Samedi 22 janvier 2022
Malaise dans l’institution
Pour retracer brièvement le chemin parcouru nous avons commencé avec le "malaise dans la culture", tel que Freud en a établi les coordonnées en 1929. C'est un texte précieux qui a servi de point de départ au déploiement d'une pensée autour, j'insiste sur autour, du "malaise". Dans l'idée d'une lecture profane il semblait nécessaire d'ouvrir un questionnement à partir du texte de Freud, plutôt que de le reprendre comme vérité établie et indiscutable.
Ma lecture critique du texte freudien, à propos du "malaise", porte notamment sur la manière dont Freud a envisagé la culture, c'est-à-dire comme un "tout monolithique" aux règles constantes, voire immuables. Son point de vue m'a paru souvent ethnocentré et universalisant. Pourtant, les cultures peuvent faire varier les considérations morales et les lois, les exigences et les devoirs, l'accès aux plaisirs et l'exercice de la sexualité. Freud semble surtout focalisé, sans toutefois l'écrire explicitement, sur la sexualité génitale à laquelle il accorde une valeur "supérieure". Alors que certaines cultures donnent une place prépondérante à l'oralité, par exemple. Il est à noter également que, pour Freud, le "travail culturel" serait l'affaire des hommes, les femmes ayant surtout en charge "les intérêts de la famille et de la vie sexuelle" (préoccupations hors- culture, donc...). Les hommes seraient contraints aux sublimations pulsionnelles alors que les femmes y seraient peu aptes. Il entérine une hiérarchie entre les sexes, en la naturalisant, et ne semble pas envisager de la dissoudre... Son propos est aussi à resituer dans un contexte socio-culturel.
Pour donner suite au texte de Freud, j'avais avancé deux ou trois petites choses qui me semblaient appropriées pour esquisser le malaise contemporain. D'une part, que L'Un est encore une "croyance" que notre temps partage, malgré ce que nous vivons et qui va plutôt du côté de la fragmentation et de la dissolution, à l'oeuvre dans les différents registres de nos vies. Peut-être pourrions-nous y voir là une sorte de mouvement réactionnel : plus tout fout le camp plus la tentation de l'Un est grande. Le "non-rapport" est aussi constitutif du malaise et ne peut être vraiment résolu, ce que Freud ne cesse pas de ne pas écrire. D'autre part, que le temps s'est considérablement accéléré et que cette accélération du temps produit des effets sur la transmission des informations, sur l'économie, sur les rapports sociaux, sur notre "géographie mentale".... Enfin, que la prolifération des images, images non agencées par des discours, tendaient au mirage, à l'effacement du corps comme lieu, au spectacle comme "mouvement autonome du non- vivant", tout en favorisant un contrôle généralisé (Wacjman, 2010).
Dans la seconde intervention, je m'étais intéressé à quelques travaux réalisés dans le champ psychanalytique pour essayer de dégager ce qui revenait avec le plus d'insistance, à propos du malaise contemporain. Ce qui m'était alors apparu c'est qu'il était fréquemment évoqué le déclin de la fonction paternelle, surtout côté lacanien, et que ce déclin supposé avait des conséquences aussi bien sur le lien social que sur l'économie psychique du sujet singulier : psychose ordinaire, perversion ordinaire et généralisée, nouvelle économie psychique. Et c'est donc ce déclin supposé que j'ai voulu mettre en question. Parmi les critiques, celle de Zafiropoulos est sans doute la plus étayée. Un article paru en 2003, dans la revue Topique, permet de tirer au clair cette idée d'un "déclin de la famille occidentale et de son chef". Il faut revenir à Lacan et à un texte publié en 1938 : Les complexes familiaux. Lacan y soutient l'idée que le déclin de l'imago paternelle serait lié à la contraction de la famille occidentale. Corrélativement, les "cultures matriarcales" seraient la cause de "la stagnation des peuples primitifs" pour lesquels l'attachement à la mère rendrait plus difficile la production des biens culturels. Jusqu'en 1950 la maturation subjective et la production culturelle seraient liées aux "conditions sociales de l'oedipisme". Zafiropoulos s'interroge : mais où donc Lacan est-il allé chercher l'idée d'un tel déclin ? Réponse : chez Emile Durkheim qui a enseigné ce qu'il a appelé la loi de la contraction familiale. Or, les études historiques et démographiques invalident la thèse durkheimienne, la forme conjugale de la famille a toujours été prédominante aussi bien en Europe du Nord qu'en Europe du Sud (voir Peter Laslett, Rossiaud, Cherubini). Par ailleurs, les études anthropologiques et historiques invalident aussi l'existence de sociétés matriarcales... Paul Veyne affirme qu'à Rome la forme conjugale de la famille était la plus fréquente et que, lorsqu'il y avait un
patriarche qui régnait, il pouvait s'agir de la fille vierge d'un pater familias décédé. Bref, la contraction familiale de Durkheim ne tient pas. Et cela a évidemment des conséquences sur les considérations cliniques et théoriques qui s'inscrivent dans le prolongement de ce supposé déclin. Ceci étant, à partir de 1950, Lacan change manifestement de perspective, probablement en s'inspirant de Lévi-Strauss. Dans la préface à l'ouvrage de Marcel Mauss(Sociologie et anthropologie), Lévi-Strauss écrit :
"(...) Tous les phénomènes sociaux peuvent être assimilés au langage, nous voyons dans le mana, le wakan, l'orenda et autres notions du même type, l'expression consciente d'une fonction sémantique dont le rôle est de permettre à la pensée symbolique de s'exercer (...). En effet, le mana est tout cela à la fois, mais n'est-ce pas parce qu'il n'est rien de tout cela : simple forme, ou plus exactement symbole à l'état pur, donc susceptible de se charger de n'importe quel contenu symbolique. Dans ce système de symboles que constitue toute cosmologie, il serait simplement une valeur symbolique zéro..."
Le mana mélanésien peut être considéré comme "l'esprit des choses", ou l'esprit des ancêtres. Zafiropoulos pose la question : "pourquoi donc ne pas inclure ici l'esprit du Père mort dont le monument freudien Totem et tabou rappelle qu'il permet à la pensée symbolique du névrosé monothéiste de s'exercer ?" C'est ce "signifiant flottant" qui permet à la pensée symbolique de s'exercer qui amènera Lacan, en 1953, à inventer le Nom-du-père. Il dégagera progressivement le père de famille d'avec la position du signifiant du Nom-du- Père. Zafiropoulos trouve cette "thèse" du déclin du père "cliniquement ruineuse" et "politiquement douteuse". Pour ce qui est de la clinique, la plainte concernant ce déclin entérine le symptôme névrotique. Voir aussi l'article incisif de Gérard Pommier "Apocalypse Now"dans La clinique lacanienne, 2014, n°25.]
Le Malaise dans l'institution : comment pensent les institutions ?
Pour cette troisième et dernière intervention c'est donc du malaise dans l'institution dont je vais parler. Comme j'en ai pris l'habitude je me déplacerai de l'anthropologie à la psychanalyse et de la psychanalyse à l'anthropologie. Pour Bonte et Izard :
« Le concept d’institution occupe une position centrale dans les sciences anthropologiques, puisque, dans son acception la plus générale, il désigne tout ce qui, dans une société donnée, prend la forme d’un dispositif organisé, visant au fonctionnement ou à la reproduction de cette société, résultant d’une volonté originelle (acte d’instituer) et d’une adhésion, au moins tacite, à sa légitimité supposée. Une institution comporte nécessairement des valeurs et des normes... tendant à engendrer des comportements (simples manières d’être, ou, plus souvent des rôles bien définis). Elle est souvent régie par des formes d’autorité, une hiérarchie des membres, un système de sanctions (positives et négatives) et un ensemble de rites de passage ». (Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, p.378).
Définition assez large donc qui laisse une marge suffisante pour penser les collectifs (de travail ou autres...). Question : Comment pensent les institutions ? Voici le titre d’un ouvrage écrit par Mary Douglas, anthropologue britannique qui se situe dans le prolongement critique de Lévi-Strauss. Selon Douglas, les institutions existent avant les sujets qui contribuent, certes, à en modifier le fonctionnement, mais qui ne les inventent pas d’emblée. Nous arrivons dans des institutions qui existent avant nous. Nous prenons place dans un ensemble déjà constitué. Douglas veut montrer dans quelle mesure la pensée individuelle dépend des institutions. Son retour à Durkheim souligne l’erreur première, à savoir le méconnaissance de l’origine sociale de la pensée individuelle. Les classifications, les opérations logiques, les métaphores privilégiées sont données (imposées ?) au sujet, par la société. Par exemple, le sentiment de vérité lié à certaines idées ou représentations se transmet en tant qu’élément de l’environnement social. Comme la fausseté ou l’absurdité liées à d’autres idées ou représentations. Impossible pour un sujet seul de déterminer le vrai et le faux, c’est la société qui détermine ce qui est vrai et ce qui est faux. En matière de causalité il faut également qu’existe un consensus social. Dans notre expérience individuelle nous ne rencontrons que des rapports de succession et de fréquence, jamais de lois, ni de nécessité. Si un individu détermine des rapports de causalité ils devront être entérinés par son groupe social. Il y a là du grain à moudre pour penser la folie... On pourrait considérer qu’un fou est un sujet qui détermine des rapports de causalité non validés par l’ensemble social. Si la société, l’institution, le groupe, déterminent la pensée individuelle, le sujet au sein du collectif ignore le style de pensée dominant qui s'exerce sur sa pensée et sur sa propre représentation du monde. Douglas discute ce qu’elle appelle les effets d’échelle. Elle critique une idée répandue qui pourrait s’énoncer ainsi: le petitesse d’échelle (les petits collectifs) favoriserait les rapports de confiance et la coopération. Or, selon elle, il n’en est rien. Disons qu’on peut observer de petits groupes qui vivent dans la confiance et la coopération, d’autres non. L’idée d’une communauté utopique, d’un groupe qui fonctionne de manière harmonieuse, sans conflits, est une illusion. Il ne faut tout de même pas radicaliser la pensée de Douglas. Elle ne pense pas que les sujets sont pris dans les rouages complexes d’une machine sur laquelle ils n’auraient aucune prise, ce qui reviendrait à en faire des objets, des
moutons ou des robots, dit-elle. Plus inquiétant sans doute, cela reviendrait à dire que tout changement est impossible. Elle maintient toutefois son idée : un groupe social engendre sa propre vision du monde et développe un style de pensée qui nourrit des schémas d'action et d’interaction. Ceci étant dit... comment se construit la pensée institutionnelle ? L’expérience du passé permet de déterminer des rapports de causalité et ces rapports de causalité, s’ils se sont avérés utiles pour résoudre certains problèmes liés à l’ordre social et institutionnel, vont être intégrés aux règles de manière à maîtriser le futur, voire à établir des prévisions. Douglas écrit : « Plus les institutions encodent les probabilités, plus elles contrôlent l’incertitude, et plus, par ailleurs, le comportement tend à se conformer à la matrice institutionnelle. Si l’on atteint ce degré de coordination, le désordre et la confusion n’ont plus de place ». Le désordre est sans doute plus probable que l’ordre, d’où l’institution qui va avoir pour but, notamment, de reprendre les classifications sociales et de les naturaliser, de les inscrire dans le registre de l’évidence. De manière binaire, la femme est à l’homme ce que la gauche est à la droite. On connaît quelques oppositions classiques : féminin/masculin, gauche/droite, haut/bas, etc. Ces oppositions se déplacent dans l’espace social et génèrent d’autres oppositions. La relation de la tête à la main a permis d’établir de nouvelles analogies pour justifier la structure de classes ou la division du travail manuel et du travail intellectuel. L’intérêt de ces oppositions est de structurer la pensée, de créer un monde ordonné où les choses et les êtres vont trouver une place. Evidemment, c’est aussi par ces analogies que le pouvoir politique va s’imposer. Une théorie du monde doit commencer par diviser avant de mesurer. Mais il y a du "jeu" possible. Dans la Pensée sauvage Lévi-Strauss montre que le bricoleur parvient à transformer en porte-pipes une horloge déglinguée, une vieille table en porte-parapluies, le porte-parapluies en pied de lampe et toute chose en une autre. Le bricoleur peut transformer certains objets pris à l’intérieur d’un stock d’objets possibles. Il s’agit d’un jeu intellectuel permettant de déployer toutes sortes d’inversions et de parallèles, à partir de variations sur le stock d’analogies. Pour qu'une institution "fonctionne" elle doit à la fois se souvenir et oublier. Se souvenir de ce qui a été important pour sa cohésion et oublier ce qui a menacé sa cohésion. Aussi la mémorisation et l’oubli seront conditionnés par l’institution. Généralement ça "fonctionne", mais pas toujours... Comment les institutions font les classifications ? Donc, les institutions font des
classifications et nous imposent ces classifications. Cette idée nous plaît-elle? Probablement pas. Pourquoi ? Nous préférons nous considérer comme des êtres non déterminés, libres et autonomes. En « dehors » des institutions certaines influences sont particulièrement repérables. Nous savons que chaque période détermine ce qui est vrai et faux, ce qui est bon et juste...
Que peut-on tirer du travail de Douglas eu égard à la question qui nous intéresse, à savoir le malaise dans l'institution ? Il semblerait bien que la "confiance" et la "coopération", pour reprendre les termes de Douglas, ne soient plus très à l'oeuvre dans les institutions de soin ou d'éducation. Au contraire, ce serait plutôt la méfiance généralisée, voire la défiance généralisée. Le passé est évoqué par les "équipes de direction" comme source d'erreurs ou d'errement. L'encodage des probabilités quant au devenir de l'institution et des pratiques professionnelles, quant à la place de chacun, n'est plus opérant. C'est bien plutôt l'incertitude qui s'installe ce qui ne va pas sans provoquer une certaine angoisse... A quand le prochain départ ? Le prochain arrêt ? La prochaine fermeture de tel ou tel service ? La prochaine circulaire ou le prochain cahier des charges ? La prochaine restructuration associative ? Comme si tout pouvait arriver de manière imprévisible, dans un temps très court, sur la base d'une décision plus ou moins arbitraire. Ce qui peut s'exprimer assez souvent de la manière suivante : "à quelle sauce va-t-on se faire bouffer ?" Les classifications et les catégories diagnostiques à partir desquelles s'organisent toute une activité de travail, tout un découpage de l'activité de travail, arrivent toutes faites. Et elles impliquent forcément une certaine causalité. D'une certaine manière on fabrique du handicap, de la maladie, du trouble, etc. Dans les institutions qui accueillent des enfants ou des adolescents, nous avons vu proliférer des classifications pour caractériser certaines souffrances ou certaines difficultés : TSA, TDA, TDAH, DYS... La "passion" des classifications et des mesures ne s'épuise pas, bien au contraire. La rééducation neuro- comportementale, revendiquée ou non, tend à devenir une approche exclusive, et ce au nom d'une vérité scientifique qui ne peut pas être contestée, ni même discutée, et qui fait loi. Tout se passe comme si un but à atteindre était défini par avance et qu'un processus de fabrication, avec ses "outils" et ses "étapes", devait être mis en place pour atteindre ce but. La poïesis évacue la praxis, c'est une tendance très nette dans les métiers de l'éducation et du soin, probablement aussi dans le vaste champ de ce qu'on appelle les psychothérapies.
Du mythe institutionnel au contrat narcissique
D'autres formulations sont possibles pour évoquer le malaise dans l'institution. Depuis quelques décennies nous assistons à une dégradation, voire à une liquidation, des mythes institutionnels. Un mythe est un récit fondateur que les membres d'une société se transmettent au fil des générations depuis les temps anciens. Il se différencie d'autres productions sémantiques en ce qu'il forme une trame narrative qui caractérise une société ou un groupe, et aussi, donne sens à certaines de ses activités. La matière narrative y est travaillée de manière à "éliminer les éléments instables, anecdotiques ou inadéquats" et à laisser des "blocs narratifs polis par l'usage". La narration mythique nous plongeait dans un imaginaire leurrant, certes. Mais cela permettait de donner sens à un engagement professionnel. Les mythes institutionnels ont bien rempli leur office durant quelques décennies. A l'origine des associations médico-sociales par exemple, il y avait souvent un fondateur courageux, un peu frondeur, ou même plusieurs personnes qui n'avaient pas accepté la situation d'enfants ou d'adolescents, de personnes défavorisées, handicapées, etc. Un acte fondateur avait ainsi été posé pour réparer l'inacceptable et changer les choses. Au fil du temps, le fondateur est devenu un ancêtre dont l'oeuvre a été perpétuée par d'autres s'inscrivant dans une sorte de filiation comportant aussi ses problèmes, ses conflits et ses trahisons... Le récit qui relate cette épopée pouvait être mobilisé à différents moments de la vie institutionnelle.
Actuellement ces récits ne sont plus opérants, simplement parce qu’ils ont été déconstruits et la novlangue du discours néo-libéral n’est sans doute pas étrangère à ce phénomène, j'y reviendrai. Quels effets cela produit ? Au fond, c’est assez simple : nous n’avons plus de signifiants susceptibles de nous soutenir ou de nous représenter valablement. Bien sûr, on pourrait toujours rétorquer qu’il n’y a guère d’issue. Que pourrait- on attendre de l’Autre institutionnel ? Des signifiants, sans doute. Oui, mais il n’y a pas dans cet Autre, forcément trompeur, de signifiant qui puisse répondre de ce que je suis, de ce que je pense ou de ce que je fais.
Des mythes institutionnels découlaient un certain nombre de rites (repas de fin d'année, fêtes de Noël, journées portes ouvertes, kermesses...) qui donnaient de l’efficace à la narration mythique, qui tentaient de la rendre crédible. Il faut bien constater que ces rites institutionnels ont quasiment disparu ou qu’ils ne sont désormais plus investis. Certains professionnels s'en trouvent soulagés, d'autres le déplorent. Dans le déroulement même de la vie quotidienne les pratiques éducatives ou soignantes étaient plus ou moins codifiées, plus ou moins ritualisées. Et c'est par la ritualisation du quotidien institutionnel que chacun trouvait sa place dans un ensemble.
Enfin, je voudrais évoquer ce qu’il en est du contrat narcissique parce qu'il s'agit, selon Kaës, parmi les différentes alliances inconscientes, d'une "alliance primaire structurante". Mais, pour en arriver là, il faut revenir à Freud. En 1914, dans Pour introduire le narcissisme, Freud indique que la continuité familiale et groupale ne peut être assurée que si les parents, ou parce que les parents attribuent à l'enfant la possibilité de renouveler leur propre narcissisme et, par là, leur part d'immortalité. Les parents font de l'enfant le porteur de leurs rêves non réalisés. Le narcissisme de l'enfant s'étaye donc sur celui des parents, comme leur propre narcissisme s'est étayé (avec parfois bien des aléas et des fortunes diverses...) sur celui de leurs propres parents. Par là, Freud souligne la double exigence liée au sujet, d'une part il poursuit sa propre fin, d'autre part il est le maillon d'une chaîne dans laquelle il est assujetti. Cette bipolarité peut donner lieu à des conflits ou à des impasses... Autre considération freudienne : l'idéal du moi est une formation qui intéresse autant le sujet singulier que les groupes sociaux ou les institutions. Dans Psychologie des foules et analyse du moi (1921), Freud indique : " Une [telle] foule primaire est une somme d’individus, qui ont mis un seul et même objet à la place de leur idéal du moi et se sont en conséquence dans leur moi, identifiés les uns aux autres» . C'est le chef qui était mis à la place de l'idéal du moi. Retournement saisissant : aujourd'hui un chef, surtout quand il se prend pour un chef, est un anti-modèle, ce que l'on ne voudrait pas forcément devenir. Il y a une désidéalisation du chef. Disons une grande ambivalence. Piera Aulagnier (1975) propose, dans le prolongement des considérations freudiennes, le contrat narcissique pour évoquer les rapports réciproques du sujet et du groupe (ou de l'institution) : "chaque nouveau venu doit investir l'ensemble comme porteur de la continuité et réciproquement, à cette condition, l'ensemble soutient une place pour l'élément nouveau". Le discours tenu conformément au mythe fondateur doit être repris, suffisamment repris par l'élément nouveau, puis transmis à d'autres. Du mythe institutionnel fondateur au contrat narcissique, en passant par les rites et les pratiques institutionnalisées, tel était sans doute un cheminement possible, bien que semé d'embûches, ce n'était pas un long fleuve tranquille, mais chacun pouvait essayer de se fabriquer une assise (narcissique, notamment) et donner un sens à son travail. Mais ce "contrat narcissique" est probablement
d'une autre époque. Les directeurs et directrices d'aujourd'hui dans les institutions de soin et d'éducation sont beaucoup plus jeunes qu'ils ne l'ont été par le passé. Dans une logique "évolutive", un éducateur ou un travailleur social qui avait travaillé sur le "terrain", comme praticien, qui était parti "du bas de l'échelle" et qui s'était "relevé les manches", "coltiné les gamins", voire qui avait "brassé la merde", devenait chef de service pendant quelques années, puis directeur pour finir sa carrière professionnelle. Directeur d'un seul établissement, d'un seul lieu, et non d'un pôle ou d'un secteur, logeant parfois sur place dans un logement de fonction. Actuellement donc, et cela fait déjà quelques années, les directeurs sont plus jeunes, entre 30 et 40 ans, parfois moins. C'est comme si un retournement s'était produit, ce ne sont plus les "anciens" qui sont chargés de transmettre quelque chose d'une histoire ou d'un mythe, ce sont les plus jeunes, formés à la gestion et au management, qui tentent de faire passer un "discours", ou plutôt des énoncés hétérogènes comme prêt à penser, quand il ne s'agit pas de mots d'ordre. Comme le disait Deleuze, peu importe que l'on y croit ou pas, il faut surtout faire comme si l'on y croyait et agir en conséquence. L'expérience institutionnelle est plutôt dénarcissisante (au point de se prendre parfois pour un simple éxécutant, si ce n'est comme un objet jetable ou comme un déchet...) , ce qui se traduit, c'est une hypothèse, par le fameux burn-out, voire par des passages à l'acte suicidaires. Cela s'exprime assez clairement me semble-t-il, de manière répétitive, dans bien des lieux de travail : "il n'y a pas de reconnaissance". Ce "manque de reconnaissance" (il faudrait pouvoir dire ce qu'il recouvre, ce sur quoi il porte et en quoi cela fait problème pour un sujet) pourrait être relié à ce que je viens d'évoquer à propos de l'affiliation (la filiation, l'a-filiation...). Dans un registre, disons symbolique, le manque de reconnaissance peut aussi être lié au fait de ne pas avoir de contrat de travail à durée indéterminée, d'être là en intérim, en remplacement, pour une durée déterminée renouvelable ou non. C'est-à-dire remplaçable, parce qu'on peut toujours remplacer le remplaçant, replaçable parce qu'on peut toujours vous déplacer d'une place à une autre, éjectable parce qu'avec une durée déterminée on peut toujours se débarasser facilement de vous à un moment donné, etc.
Précisions cliniques
Pour donner suite à mon propos, je vais prendre appui sur quelques constats établis à partir de mon expérience de travail dans les institutions, comme praticien (à différents titres) ou comme intervenant dans des temps de "supervision" ou "d'analyse des pratiques".
D'abord, c'est tout simple, un peu partout dans les institutions sociales, médico- sociales ou sanitaires, il y a actuellement un nombre considérable de personnes en arrêt maladie. Dans toutes les équipes que je connais, il y a des arrêts. Il est évoqué très fréquemment une grande fatigue qui tourne parfois à l'épuisement. On appelle ça aujourd'hui "burn out". Tout le monde a fait ou fera son "burn out". C'est même devenu un motif de consultation chez le "psy". Parfois, c'est la moitié d'une équipe, voire plus de la moitié, qui est arrêtée. Certains professionnels sont arrêtés depuis assez longtemps, plusieurs mois. D'autres sont arrêtés fréquemment, de manière répétitive. Lorsque certains reviennent, d'autres sont arrêtés, comme si un "roulement" s'était mis en place, sans concertation préalable. Cet épuisement quasi-généralisé est relié le plus souvent à une surcharge de travail, mais plus encore à une "perte de sens" quant au travail à accomplir. Beaucoup de temps passé à remplir des dossiers, des formulaires, des projets, des questionnaires, à communiquer ses "propres chiffres" (nombre de rendez-vous réalisés et temps passé, nombre d'échanges téléphoniques...). Cette bureaucratisation croissante tourne parfois à l'absurde. On pourrait aussi évoquer les "formations", souvent imposées, relatives par exemple au maniement de l'outil informatique, aux "écrits professionnels" et aux dossiers des "usagers", à la bientraitance vis-à-vis des "usagers" et à leur satisfaction, à la qualité du service rendu et à sa mesure... Tout ceci s'accompagne d'audits (il ne s'agit plus d'analyse institutionnelle...) de plus en plus fréquents, assurés surtout par des "coachs" (assez peu d'intervenants formés dans le champ des sciences humaines et sociales mais plutôt dans le coaching et le management), d'évaluations individuelles et/ou collectives répétées (entretien annuel, questionnaires sur l'activité de travail, évaluation interne et externe...), d'un management par lequel s'exerce des pressions diverses (chiffres à atteindre, méthodes ou approches à utiliser, ce qu'il faut dire et ne plus dire...) et des injonctions (souvent paradoxales...), et où un mode de communication prévaut avec l'usage du mail (même lorsque la proximité physique pourrait permettre de se parler...). Toute cette activité managériale tourne parfois au harcèlement, les dépôts de plainte (en justice) sont devenus de plus en plus fréquents. Dans certains lieux, il faut aussi être "force de proposition", proposer des "activités innovantes", avoir un "projet professionnel". La notion de projet est d'ailleurs devenue incontournable, projet professionnel donc, projet éducatif ou thérapeutique, projet d'activité, de service, d'établissement. Pour les "usagers", projet d'insertion ou de formation. Ce qui devient problématique ce n'est plus de se trouver dans une situation difficile (à la rue
ou sans emploi, par exemple) mais de ne pas avoir de projet pour s'en sortir. Le projet est devenu une nouvelle "technologie du pouvoir", pour reprendre Foucault.
Ce qui revient avec insistance, et qui est assez nouveau, c'est la notion de partenariat, étant désormais admis que l'on ne peut travailler seul, qu'il faut organiser des complémentarités entre institutions, travailler dans une continuité, "main dans la main". Cela pose bien des problèmes, génère des incompréhensions et des tensions. Dans la "gestion"" des "cas complexes" la désignation d'une institution "fautive" est fréquente, sorte de bouc-émissaire.
L'activité des institutions sociales, médico-sociales ou sanitaires, dépend étroitement désormais des "organismes de tutelle" (ARS, HAS, ANESM...) véritables instances surmoiques qui produisent des circulaires, des cahiers des charges, des recommandations quant aux pratiques professionnelles, des interdictions... Tout un discours...
Dans un tel contexte certains professionnels essayent de s'en sortir par l'arrêt, d'autres "gèrent" (il faut désormais tout gérer, sa vie professionnelle, sa vie conjugale, ses émotions, ses enfants...), alors ils gèrent comme ils peuvent en se disant qu'il "reste encore deux ou trois ans à tirer" et que ça devrait aller. Mais bon ça tire, ça tire même dans tous les sens...
Le discours néo-libéral...
Même si ce qu'il se passe dans les institutions paraît tout à fait décousu, nous pouvons déjà remarquer qu'un langage nouveau s'est mis en place, que ses éléments langagiers tendent à s'articuler et à se déployer, avec quelques variations liées aux différentes scènes institutionnelles et aux secteurs d'activités auxquelles elles sont rattachées. On entend donc un peu partout : bienveillance, empathie, résilience. Comme si l'institution ne pouvait plus réguler la pulsion de mort, et qu'il fallait sans cesse en appeler à des dispositions internes aux sujets eux-mêmes pour tempérer les relations professionnelles. Comme si l'axe imaginaire a – a' était devenu prévalent. Pour ce qui concerne les pratiques professionnelles c'est l'innovation et l'efficacité qui prévalent, au moindre coût financier bien entendu. Il faut être "force de proposition", "pro-actif", "flexible" et "adaptable". Préférer la "simplexité" à la "complexité", les neurosciences à la psychanalyse, savoir se fixer des objectifs et les atteindre. Et puis, croire au management qui peut, éventuellement, se dire participatif... Bref, c'est toute une novlangue qui arrive à nos oreilles ébahies, parfois
agacées... La novlangue est un terme inventé par Orwell dans 1984, roman publié en 1949 qui décrit la Grande-Bretagne trente ans après une guerre nucléaire qui aurait eu lieu dans les années 1950 . A la suite de cette guerre se met en place un régime totalitaire, trouvant son inspiration dans le stalinisme et dans le nazisme. La liberté d'expression n’y existe plus. Les pensées y sont surveillées et des affiches sont placardées dans les rues, indiquant que « Big Brother vous regarde » (Big Brother is watching you). A noter, parce que ce n'est pas tout à fait anodin, que Winston le personnage principal (avec Julia) travaille au ministère de la Vérité. L’objectif de cette novlangue, nouvelle langue donc, est d'aplanir les nuances et les subtilités et d'utiliser surtout des néologismes, des termes fourre-tout qui ne permettent pas d'organiser une pensée critique pour rendre compte d'une situation ou d'un problème. Il faut lire Orwell, cette novlangue n'est pas uniquement un "bon mot" ou une petite fantaisie, Il y a tout un "travail" rhétorique et grammatical sur la langue qui nous montre par quels mécanismes tout notre rapport à ce que l'on appelle la réalité peut se trouver modifié. Ainsi le pouvoir idéologique et politique pourrait s'installer sans contre-pouvoir, sans répression et sans violences... La novlangue qui est à l'oeuvre dans les institutions n'a sûrement pas atteint le degré de "perfection" décrit par Orwell, mais indéniablement il y a quelque chose d'une novlange qui est à l'oeuvre. Nous remarquerons aussi que le contenu même de cette langue qui voudrait s'imposer pour changer notre façon de penser et d'agir, est faite d'éléments hétérogènes et dont l'homogénéisation est toute relative. J'ai vu récemment passer l'annonce d'un séminaire proposé par Yann Diener (connu aussi pour avoir informé dans Charlie Hebdo des changements imposés dans les Cmpp par l'ARS de Nouvelle Aquitaine) dans le cadre de l'Ecole Lacanienne de Psychanalyse. Ce séminaire qui s'intitule "La mâchoire de Freud (lire George Orwell aujourd'hui)" traitera, si j'ai bien lu, de la langue telle qu'elle est informatisée et réduite à des fins de communication. Dans la présentation de son séminaire, Diener écrit : "Nombre de termes et d'expressions qui appartenaient au jargon des informaticiens il y a encore quelques années sont aujourd'hui passés dans le langage courant : 'Ce matin je dois me connecter pour un briefing en distanciel' ; 'Je suis déconnecté de ma famille' ; 'Notre parti doit changer de logiciel' ". Pour faire rimer, on pourrait se demander si le séminaire est en "présentiel" ou en "distanciel", si l'auteur va "nous le partager" sur youtube, etc.
Cette langue informatisée résulte sans doute de l'influence des sciences cognitives, qui, dans son histoire, a privilégié (ce n'est plus le seul courant aujourd'hui...) l'hypothèse computationnelle, c'est-à-dire l'esprit comme machine (comme ordinateur si l'on veut) à traiter des symboles et des informations. Dans cette conception l'expérience humaine est reléguée au second plan, voire totalement ignorée. D'où le hiatus avec l'esprit dit phénoménologique, pour lequel "la cognition se dirige vers un monde expérentiel, vers un monde vécu". Activité cognitive réintroduisant donc la dimension corporelle. Si le domaine informatique fournit des éléments langagiers à la novlangue, ce n'est pas le seul domaine pourvoyeur de signifiants. Avec l'utilisation récurrente de la notion d'adaptation, c'est implicitement la biologie qui sert de référence. Et cette adaptation implique, comme le souligne Barbara Stiegler (2019), le sentiment diffus d'un retard généralisé. L'espèce humaine serait donc en retard : sur quoi ? par rapport à quoi ? à quelle(s) fin(s) ? à quel idéal ? Notre développement ne serait pas achevé et cet inachèvement semble insupportable. On retrouve là les considérations évolutionnistes qui ont émergé dans le champ de l'anthropologie, et aussi, d'une certaine manière, dans le champ de la psychanalyse avec Freud, notamment. En convoquant de manière assez systématique cette notion d'adaptation, c'est bien de l'évolution de l'espèce dont il est question. Seulement, le propos darwinien est utilisé comme adaptation à un environnement fixe et immuable auquel il faudrait donc s'adapter. C'est une lecture simplifiée, sinon simpliste de Darwin : " ...Darwin nous dit bien que tout organisme subit toujours en retour, et sur un mode passif, les conséquences des expériences qu'il initie lui-même, sur un mode actif avec son environnement" (Stiegler, 2019, p. 109). Il y a un aller et un retour, un mouvement donc à partir duquel une connaissance peut se construire. Enfin, troisième domaine pourvoyeur de signifiants pour la novlangue, une combinaison de la gestion et de l'économie : gérer, tout gérer, sa vie, ses enfants, son travail, son compte en banque, son relationnel, ses émotions, son capital confiance, etc. Gérer et faire fructifier. Pour appréhender cette novlangue, il faut sans doute avoir une idée de ce qui la génère. Je voudrais insister sur ce qu'il en est de l'idéologie néolibérale. A défaut d'en déployer ici tous les aspects, ce serait long et fastidieux (voir Stiegler, 2019 ; Dardot et Laval, 2010), il faut au moins en dégager ce qui la différencie du libéralisme classique et du capitalisme pour dire ce qu'il y a de nouveau : ce n'est plus la libre régulation du marché qui compte mais bien plutôt le recours, devenu désormais systématique, aux "artifices de l'Etat"
(droit, éducation, santé, protection sociale...) pour "transformer l'espèce humaine et construire ainsi artificiellement le marché : une bio-politique en quelque sorte" (Stiegler). Dans la controverse intellectuelle entre Dewey et Lippman, il est question de savoir, du moins c'est le point de départ, ce que pourrait être le "destin des pulsions". Lippman pense qu'il faut parvenir à sublimer les pulsions, Resterait donc à définir qui/que pourrait être l'opérateur politique de cette sublimation, et, le cas échéant, qui détermine les bons substituts. Pour Dewey il faut mobiliser et développer l'intelligence des peuples, pour Lippman il faut confier à un "gouvernement d'experts" la responsabilité de définir et d'imposer ce qui serait bon et ce qui serait dans l'intérêt commun. De cette idéologie il faut dégager un discours, le faire passer par un filtre (le management), définir des domaines d'application (les institutions sociales...), puis inventer des pratiques (pratiques validées scientifiquement évacuant la dimension subjective). Peut-être aussi trouver des personnes suffisamment médiatisées pour "incarner" ce discours (généralement ils prétendent se situer en dehors de l'idéologie, dans le pragmatisme, dans la réalité et le bon sens...). On pourra distinguer plusieurs "figures" mixées en une : l'expert de l'analyse politique et économique (expertise), le clairvoyant prophétique (la prédiction), le maître zen (la sagesse)... Peut-être aurez-vous deviné à qui je fais allusion. Je ne dévéloppe pas plus, tout cela a été bien étudié pour ce qui est de l'émergence de cette idéologie néolibérale aux Etats-Unis dans le cours du 20ème siècle, moins étudié semble-t-il pour son émergence en France. Pour entrer un peu plus dans l'analyse du discours, je prendrai appui sur la leçon inaugurale de Michel Foucault au Collège de France (Foucault, L'Ordre du discours). Foucault explicite les procédures par lesquelles les discours sont rendus possibles et remplissent une certaine fonction sociale et politique. Les procédures d'exclusion : l'interdit (on ne peut pas parler de tout...), partage et rejet notamment au travers de l'opposition entre raison et folie, l'opposition entre le vrai et le faux ("volonté de vérité" qui s'appuie sur des supports institutionnels...). C'est cette volonté de vérité qui, selon Foucault, exerce une pression sur les discours, un pouvoir de contrainte, ce n'est pas qu'une force douce et universelle, c'est également une "prodigieuse machinerie destinée à exclure". Il y a aussi les "procédures internes" : principes de classification, d'ordonnancement et de distribution. Je passe sur les les composantes de ces procédures et sur la suite du texte de Foucault. Il faudrait y consacrer un temps de travail à part entière. Ce serait très intéressant d'ailleurs de passer à la "moulinette foucaldienne" ce fameux cahier des charges de l'ARS... Revenons
quand même sur cette "volonté de vérité" sur laquelle Foucault s'attarde dans cette leçon inaugurale. Elle est toujours d'une actualité étonnante, détonnante même... La science, les sciences mais pas toutes les sciences sont convoquées pour dire la vérité, et, de cette vérité découlent des décisions, des mesures, des pratiques... Vérité scientifique qui exclut le sujet de la science. Le "cahier des charges" des Cmpp se justifie parce qu'il promeut des disciplines scientifiques, impose des outils et des pratiques, toute une "logique" qu'il faudrait être ignorant, et même peut-être un peu fou ou criminel pour ne pas y adhérer...
Enfin, un dernier mot, si l'idéologie néolibérale a pu constituter un discours qui pèse terriblement sur la vie des institutions et sur les sujets qui sont engagés sur différentes scènes institutionnelles, peut-on considérer le "discours néo-libéral" comme un "nouveau discours" s'ajoutant à ceux évoqués en son temps par Lacan. Quatre discours, du maître, de l'hystérique, de l'universitaire, de l'analyste, plus un autre, celui du capitaliste. Braunstein (2012) parle d'un sixième discours, discours des marchés, structuré comme le discours de l'analyste. Le "discours managérial" comme variation du "discours néolibéral", paraît si changeant, si adaptable, si hybride parfois, si circulairement permutatif (??), qu'il vient interroger ce qui le sous-tend, à savoir sa potentialité perverse.
Bibliographie
Aulagnier, P. 1975. La violence de l’interprétation, Paris, PUF Braunstein, N. 2012. "Le discours des marchés : discours peste (pst). Discours post ? Un "sixième discours" ?", Savoirs et Clinique, n°15, p.208-217 Dardot, P. Laval, C. 2010. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, Paris, La Découverte Douglas, M. 2000. Comment pensent les institutions ?, Paris, La Découverte Foucault, M. 1971. L’Ordre du discours, Paris, Gallimard Freud, S. 1914. « Pour introduire le narcissisme », in La vie sexuelle, Paris, PUF, 1969 Freud, S. 1920. Au-delà du principe de plaisir, Payot, Paris, 2010 Freud, S. 1921. « Psychologie des foules et analyse du moi », in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981 Freud, S. 1929. Le malaise dans la culture, PUF, Paris, 2000
Kaës, R. 2014. Les alliances inconscientes, Paris, Dunod Lacan, J. 1938. Les complexes familiaux dans la formation de l'individu, Paris, Navarin Editeur, 1984 Lacan, J. 1969-1970. Le Séminaire. L’envers de la psychanalyse, livre XVII, Paris, Seuil, 1991 Lévi-Strauss, C. 1962. La pensée sauvage, Paris, Presses Pocket Mauss, M. 1950. Sociologie et anthropologie, Paris, Quadrige/PUF, 2013 Orwell, G. 1950. 1984, Paris, Gallimard Pommier, G. 2014. "Apocalypse Now ! Remarques à partir du livre de Markos Zafiropoulos. Du père mort au déclin du père de famille. Où va la psychanalyse ?", La Clinique Lacanienne, n°25, p. 157-174 Sauret, J-M. 2009. Malaise dans le capitalisme, Toulouse, PUM Stiegler, B. 2019. « Il faut s'adapter ». Essai sur un nouvel impératif politique, Paris, Gallimard Wacjman, G. 2010. L'oeil absolu, Denoël, Paris Zafiropoulos, M. 2014. Du père mort au déclin du père de famille. Où va la psychanalyse ?, Paris, PUF
Comments