Introduction
Qui suis je ?
Je m'appelle Solange Helluy Rufin.
Je suis infirmière en psychiatrie depuis 32 ans, j'ai 2 enfants, deux garçons, de 26 et 19 ans.
Le plus jeune m'a annoncé être transgenre mtf (male to female) il y a 2 ans et demi, il allait avoir 17 ans.
Je suis ici pour vous parler, à travers ma propre expérience, et à travers celle de parents rencontrés ces deux dernières années, du parcours des parents confrontés à l'annonce de la transidentité de leur enfant, un parcours souvent difficile qui provoque :
- de incompréhension face à un phénomène dont on ne sait pas grand chose et auquel on n'aurait jamais pensé être confronté un jour (ça n'arrive qu'aux autres),
– une remise en question (qu'ai je fait ou pas fait ?, Qu'ai-je manqué dans l'éducation de mon enfant ? Qu'est-ce que je n'ai pas vu ?)
– et de nombreuses autres interrogations plus générales sur l’ampleur, les causes et les origines de ce phénomène.
J'ai divisé mon intervention en 5 parties. :
- Quelques données générales
- Le coming out .
- Le face-à-face avec un enfant devenu un étranger.
- Le questionnement, le doute,
- La recherche d'informations et de soutien. Conclusion/questions
Quelques données générales Définitions :
Le genre : Il se définit habituellement comme l'ensemble des conventions, normes et stéréotypes sociaux rattachés à chacun des deux sexes masculins et féminins.
Identité de genre : C'est le sentiment interne d'être un homme, une femme (voir autre chose). L'identité de genre s'exprime par les vêtements, l apparence physique et autres présentations et comportements externes.
Transidentité: on parle de transidentité quand l identité de genre ressentie d'une personne ne correspondrait pas à son sexe biologique constaté.
Le mot « transexuel » est un synonyme de transgenre, moins employé, désormais considéré comme péjoratif.
A l'inverse d'une personne transgenre, chez une personne dite « cisgenre », identité de genre et expression de genre correspondent à son sexe biologique.
L'incongruence de genre : c'est le ressenti marqué et persistant d'incompatibilité entre l'identité de genre et le genre attendu en fonction du sexe de naissance.
la Dysphorie de genre : c'est l'inconfort ou la détresse liés à l incongruence entre l'identité de genre d'un individu et son sexe biologique
Depuis quelques années, on constate une augmentation significatives des consultations pour questionnement de genre et demandes de changement de sexe, particulièrement chez les enfants, adolescents et jeunes adultes.
Selon Jean Chambry, pédopsychiatre Responsable du centre intersectoriel d'accueil pour adolescents à Paris : on est passé d'environ 10 demandes par an il y a 10 ans, à 10 demandes par mois en 2020, uniquement pour la région Ile- De-France.
Diverses études parlent d augmentations de 4000% des cas de dysphorie, que ce soit aux Etats unis ou en Finlande, en Norvège, Aux Pays Bas, au Canada ou en Australie.
On constate aussi un changement du profil des demandeurs: depuis une quinzaine d'années, en effet, ce sont majoritairement des jeunes filles qui expriment soudainement un dégoût pour leur sexe de naissance et demandent une transition alors qu'avant, il s'agissait quasi exclusivement d'hommes
adultes.
Et ces jeunes filles, pour beaucoup, présentent des troubles autres que le questionnement de genre.Selon Angela SamfJord, pédopsychiatre qui a créé l'une des cliniques pour enfants transgenres en Suède, parmi les patients venus consulter pour une transition de genre, 25% présenteraient des troubles du spectre autistique. Nombre d'entre eux seraient en outre, victimes de harcèlement, atypiques (notamment hpi), ou encore homosexuels.
Les étapes de la transition :
-Transition sociale : c'est le changement de prénom, entre amis, dans la famille, changement de style vestimentaire, de coupe de cheveux ou encore le choix de la pratique d'un nouveau sport.
-La transition légale correspond :
– au changement de prénom possible chez les mineurs, démarche assez rapide auprès de l'état civil
– au changement de genre, démarche possible dès la majorité sur présentation d'un dossier complet au tribunal
-Transition médicale :
– Bloqueurs de puberté: prescrits dès la prépuberté (qui peut survenir à partir de 8 ans) pour éviter le développement des caractères sexuels secondaires qui ne correspondraient pas au genre ressenti et pour laisser un temps de réflexion.
– L'hormonothérapie masculinisante ou féminisante, (testostérone pour les filles et œstrogènes pour les garçons), peut être prescrite dès 14 ans avec l'accord des parents.
– Divers : orthophonie, épilation.. –
-Transition chirurgicale :
-Mammectomie ( « torsoplastie » ) qui est est autorisée chez les mineurs.
-Chirurgie de réassignation sexuelle : des organes génitaux ( Vaginoplastie. Météoidoplastie) ou encore faciale.
A savoir :-La transition médicale et chirurgicale sont entièrement pris en charge par la
sécurité sociale par l'obtention d'une ALD 31.
-le suivi psy n'est pas obligatoire dans le parcours médical de transition, y compris chez les mineurs. C'est l'endocrinologue ou le chirurgien qui peut demander une attestation émanant d'un psychiatre ou un suivi psychiatrique, psychologique pour initier le ttt.
Voilà pour l'introduction et les notions générales qui étaient à rappeler avant de rentrer dans le vif du sujet.
Je vais donc commencer par le commencement pour nous parents, le moment du « coming out »
Le coming out :
Il y a donc 2 ans et demi, mon fils, presque 17 ans, excellent élève en terminale euro, avait changé de comportement depuis quelques mois. Il se renfermait sur lui-même, passant des heures devant son ordinateur à discuter sur les réseaux sociaux. Le confinement n'avait bien sur rien arrangé à ce comportement, voir même l'avait favorisé.
Pour ce qui est du contexte familial : j'étais jugée comme une mère stricte mais à l'écoute. Depuis la sixième, mon fils avait un groupe d'amis, tous des enfants précoces comme lui. Il était notamment, tout à fait libre de sortir avec eux mais il y a toujours eu des règles à la maison concernant les horaires, le langage, le travail scolaire...
Son père et moi étions séparés depuis ses 7ans, nous avions préservé un semblant de relations pour lui, mais les relations entre eux étaient très compliquées et se sont peu à peu dégradées. Depuis ses 13 ans, mon fils avait demandé à voir un avocat et un juge pour ne plus aller chez son père qu'il rencontrait donc à l'époque uniquement lors de rencontres médiatisées.
À 16 ans, il m'a appris qu'il était homosexuel, et qu'il voulait en parler avec un psychologue. J ai facilement accepté le fait qu’il soit homosexuel et nous n’en avons presque plus reparlé.
J'avais donc à la maison un adolescent très intelligent, plutôt brillant scolairement, homosexuel, en rébellion adolescente normale contre sa mère, et indécollable de son ordinateur et des réseaux sociaux comme reddit .
Et, début novembre 2021, une énorme crise....J'étais devenue fasciste, homophobe, transphobe.... Il ne nous parlait plus, ne sortait de sa chambre pour manger que lorsque nous avions fini nos repas, criait, hurlait, insultait.
Je reviendrai sur cette période un peu plus loin.
Il a fugué de la maison pour aller se réfugier, chez un de ses amis dont je connaissais bien les parents et qui avaient eux même un enfant transgenre.
Et de là, par SMS assassin, il m'a annoncé être transgenre se sentir fille depuis
des années, et donc être en insécurité chez nous vues mes opinions et mon discours violents, homophobes et transphobes.
Le SMS disait : « On ne va pas se mentir, je suis trans et je reviendrai quand tu l'auras accepté, que tu m'appelleras par mon nouveau prénom et que tu me genreras au féminin ».
Je dis souvent qu à la lecture de ce SMS, j'ai eu l'impression de faire une chute de 10 étages. Je me suis rendue compte au fur et à mesure que je rencontrais d'autres parents que l'annonce aussi soudaine que violente était très fréquente dans le coming-out des jeunes transgenres.
J'ai ici quelques extraits de témoignages de parents décrivant les circonstances du coming out de leur enfant :
-Par SMS. Je venais de me faire vacciner pour le covid. J'étais dans les 15 min d'attente pour vérifier que tout va bien. J'ai commencé à me sentir pas bien ...
-Par Sms, j’étais dans la rue, elle m’annonçait avoir reçu sa première injection de testostérone. Je n’étais au courant de rien. Elle avait 18 ans et 15 jours. Elle était allée au planning familial. J’ai dû m’assoir par terre dans la rue.
Par WhatsApp un dimanche soir ...en 3 mn.. transidentité, exigences du nouveau prénom et du nouveau genre sur le champ et changement d etat civil envisagé..je fus atterrée et j ai raccroché,ne pouvant pas en écouter plus . aucune manifestation auparavant. il avait 22ans.
Par SMS sans aucun signe préalable, nous lui avons dit que nous l' accompagnerons mais d''épargner ses grands parents (85 ans) pour le moment.. réponse agressive "hors de question de me mégenrer », impossible de discuter sereinement, elle tapotait frénétiquement sur son smartphone, je l'ai confisqué, et là... départ de la maison, plainte en gendarmerie...
Après avoir passé un après-midi avec une pote trans (Ftm), elle avait 15 ans : "je suis comme C., j'ai une dysphorie de genre, c'est pour ça que je ne vais pas bien", est revenue un blinder à la main gentiment donné par la fameuse pote. Je
me suis dit que ça allait passer....
Après le déconfinement, mon fils m'a dit "on peut s'asseoir, je veux te parler, tu t'es trompée tu n'as pas un fils mais une fille et tu dois m'appeler du prénom féminin et me genrer au féminin".
Par texto au milieu de la nuit. Le style du message ne lui ressemblait pas du tout. J'ai tout de suite pensé à un copier- coller. Je me suis effondrée en larmes.
En étendant le linge. J’ai découvert qu’il y avait un nouveau caleçon homme à étendre, ma fille a dit que c’était à elle parce qu’elle est un garçon. Tranquille... Nous nous sommes alors assis, pour ne pas tomber.
Notre fils nous a convoqués,nous a fait asseoir et nous a dit "ben voilà, je suis né dans le mauvais corps. Je suis transgenre. Je vais changer de sexe". Il était froid et distant, même pas nerveux .
Donc, un coming out soudain, souvent décrit sans aucun signe avant coureur laissant présager un éventuel questionnement de genre chez l'enfant.
Un coming out qui provoque une douleur intense, un état de sidération, une incompréhension totale.
Les parents se retrouvent immédiatement démunis, seuls face à une situation qu'ils ne comprennent pas, face à un enfant en souffrance et ils ont aussi souvent l'impression de se retrouver face à un étranger.
Le face-à-face avec un enfant devenu un étranger.
Je disais donc que jamais rien n'aurait pu laisser penser avant son coming out que mon enfant pouvait souffrir de dysphorie de genre.
L'été précédent, nous faisions encore les boutiques de vêtements de sport et ses choix se portaient naturellement sur des vêtements masculins.
Soudain, je me suis retrouvée en face d'un inconnu :.
-Opposition, crises, insultes, auto et hétéro agressivité étaient décuplées. Plus aucune discussion possibles, elles finissaient en conflit violent à la moindre tentative de contradiction sur le sujet, voir au moindre questionnement.
Plus rien à voir avec l'ado intelligent qui pouvait passer des heures à discuter, à jouer aux échecs, à négocier.
Plus rien à voir avec une crise d'adolescence. Je ne comprenais pas comment une divergence d'opinion pouvait autant dégénérer entre nous alors que c’est un garçon très intelligent, ayant toujours eu une grande capacité d’argumentation, un vocabulaire riche, une bonne analyse des choses.
-J'avais en face de moi un adolescent en souffrance qui ne nous laissait plus la moindre possibilité de rentrer en contact avec lui, qui passait tout son temps sur les réseaux sociaux, en empiétant notamment sur son temps de sommeil, qui ne sortait de sa chambre que pour manger après nous pour ne pas nous croiser.
Un adolescent en rupture complète avec toute sa famille jugée toxique et transphobe, y compris son grand frère dont il était pourtant très proche
Il a heureusement accepté d'être suivi par une psychiatre praticien hospitalier, ce qui m'a semblé être la seule solution pour travailler sur ce mal être, cette souffrance intense qu'il nous montrait Mais il a totalement rejeté son médecin traitant depuis toujours en qui il avait une confiance totale. Soudain, il a jugé le discours de ce médecin violent et transphobe et n'a plus jamais voulu le voir.
-Outre le changement de comportement, il y a eu le changement d'apparence avec la modification de ses habitudes vestimentaires.
En l'espace d'une semaine, il est passé d'un style classique à des habits de femme de couleurs et de formes totalement inadaptées à sa morphologie lui qui me demandait un « costar » pour assister à mon mariage trois ans plus tôt.
C'est à ce stade, que j'ai aussi commencé à avoir peur pour sa sécurité, peur qu'il ne se fasse agresser dans la rue par exemple.
-Son langage a changé aussi avec une rhétorique et un discours extrêmement construit sur le problème de la transidentité et des réponses totalement stéréotypées.
Il s'est mis à employer des termes que je ne connaissais même pas, langage qui m'a rapidement fait penser à un signe de reconnaissance de la nouvelle famille, du nouveau groupe d'amis qu'il était en train de se créer au sein de la communauté trans via les réseaux sociaux.
J'ai découvert, un peu sidérée, les mots « pansexuel, agenre, non binaire, cisgenre ».. et tellement d'autres
A ce sujet, une maman m'a dit qu'elle avait eu l'impression de parler avec son fils « comme avec une page de wikitrans » (le wikipédia de la communauté trans).
-Et il y a eu le « nouveau genre et nouveau prénom » auxquel le parent n'a pas le droit de déroger sous peine de provoquer au mieux un rappel à l'ordre cinglant, au pire une violente crise de colère.
La majeure partie des parents le vivent comme une négation soudaine de leur propre histoire. Ils ont eu un fils ou une fille, lui ont choisi un prénom, l'ont vu grandir en adéquation avec son corps et en quelques instants, ils doivent accepter qu'ils se sont trompés, doivent nommer leur enfant avec un prénom parfois tout droit issu de manga ou de monde imaginaires (nous avons Zéphyr, Isha Eta, Pandore, Ciel...).
La rupture avec le milieu familial est parfois donc très violente, s'accompagnant de fugues, de dépôt de plainte si les parents ne cèdent pas immédiatement aux injonctions de leur enfant.
Les parents dont les enfants portent plainte sont entendus et risquent le placement de leur enfant, au pire même le retrait de l'autorité parentale quand un des deux parents accepte entièrement de suivre l'enfant sur le chemin qu'il juge trop rapide de la transition et que le deuxième s'y oppose prudemment.
Je me suis moi même retrouvée confrontée aux services sociaux suite à plusieurs informations préoccupantes et une plainte, pour « transphobie, maltraitance, milieu familial non sécurisant » quand mon fils est parti s'installer chez un ami à lui. Il n'y a pas eu de suites judiciaires, mais les services sociaux ont jugé que mon fils pouvaient rester finir sa scolarité dans la famille où il avait fugué car il n'y était pas en danger. Ils m'ont cependant dit que, restant dépositaire de l'autorité parentale, je pouvais faire appel aux forces de l'ordre pour le ramener à la maison... (violence de la situation...).
J'ai été accusée par ceux qui l accompagnait dans sa démarche de vouloir faire de la thérapie de conversion quand j'ai demandé à ce qu'il soit suivi par un psychiatre praticien hospitalier de l hopital psychiatriqyue où je travaille et non pas par un psychiatre transfriendly ou dans une unité spécialisée, où il faut attendre des mois et parfois jusqu'à deux ans pour obtenir une consultation et où les consultations sont par la suite très espacées et immédiatement transaffirmatives.
La majeure partie des parents, qu'ils acceptent ou non la transition de leur enfant, disent ne plus le reconnaître, avoir une nouvelle personne en face d'eux, une nouvelle personne qui leur impose de faire table rase du passé.
Voici des extraits d’une lettre de parent reçue Par le Dr serge Hefez qui décrivent très
bien le désarroi de ces parents :
Notre fille nous a informé au printemps 2012 par une longue lettre très bien écrite revisitant tout son passé, qu’elle se « sentait être un garçon ». Le ciel nous est alors tombé sur la tête, car elle n’avait jamais manifesté la moindre ambiguïté ou le moindre signe de ce qu’elle disait ressentir dans sa lettre.Elle est devenue agressive
et quittait brusquement la maison lorsque nous tentions de discuter, nous laissant dans une angoisse que vous pouvez imaginer.Elle était une petite fille très douce, très sensible, pleine d’entrain et de projets, serviable, se préoccupant des autres, qui adorait les bébés, jouer aux poupées... Un rayon de soleil pour ses parents.
Nous la voyons s’enfoncer, s’enfermer dans un délire malgré nos vaines tentatives pour l’aider (dialogue impossible) et notre désarroi, et s’abîmer gravement physiquement (n’a plus de poitrine suite au port d’un maillot de compression acheté en ligne en cachette sur un site spécialisé américain, fait de la musculation, essaye d’adopter une voix grave, attitude masculine...)
Nous avons eu en famille plusieurs rendez-vous avec des médecins, cela ne nous a pas aidés à la sortir de ce cauchemar.Depuis nous sommes seuls face à cette situation.Actuellement elle vit seule dans sa chambre d’étudiante, et n’a pas d’amis. Elle souffre
énormément, mais ne se confie pas. Elle refuse toute communication avec ses parents sur le sujet de ce trouble de sa personnalité. Nous sommes très inquiets pour elle, pour sa vie future et son équilibre. Le temps passe, aggravant de jour en jour la situation [...]
:« ».
Serge Hefez note que cette situation familiale ressemble à s’y méprendre à de très
nombreuses demandes qu'il a été amené à recevoir ces dernières années
des parents prennent brutalement connaissance d’une vocation transgenre de leur enfant
Parfois ils avaient conscience que cet enfant pouvait se montrer mal à l’aise, isolé, avec des
difficultés de contact, mais ces problèmes n’étaient pas rapportés à une problématique de
genre. Bien souvent, c’est le ciel qui leur tombe sur la tête et ils ont le sentiment que leur
enfant se met à délirer.
Le doute et le questionnement
Les parents se retrouvent donc confrontés à un enfant/ado/très jeune adulte qu ils ne reconnaissent plus, visiblement en grande souffrance, souvent happé par les réseaux sociaux où il passe des heures à communiquer avec « sa nouvelle famille, ceux qui le soutiennent et l'encouragent dans sa transition ».
Un inconnu dont les demandes tournent en boucle pour obtenir une transition sociale et médicale immédiate. La notion d'immédiateté est prépondérante.
Ils sont face à une situation qui se révèle être ingérable seuls. Ils sont souvent sidérés et dépassés par la souffrance de leur enfant et leur propre souffrance, résultantes d'une situation totalement inédite et qui peut dépasser leur entendement.
Et pour ceux, qui, comme moi, expriment l'idée que derrière le questionnement de genre, il y aurait peut être une souffrance psychologique autre dont il faudrait explorer les origines avant de médicaliser c'est la double peine.
Ils voient leur enfant souffrir et ils se retrouvent accusés de transphobie :
-quand ils se demandent si son mal être n'auraient pas d'autres origines que ni transition sociale, ni hormones, et encore moins chirurgie ne résoudraient ? ,
-quand ils jugent une transition médicale trop rapide si elle n'est pas précédée d'un long suivi psy. (je ne ferais pas de commentaire sur le marasme de la psychiatrie qui rend l'option du suivi psy très difficile à mettre en œuvre rapidement)
-quand ils demandent à leur enfant de prendre le temps avant de subir des ttt qui pourraient avoir des conséquences irrémédiables.
Les parents expriment souvent l'impression de plonger dans l'inconnu en découvrant la notion du genre qui pourrait être différent du sexe biologique. Pour ma part, infirmière depuis 30 ans hôpital psychiatrique, il y a des notions et concepts qui m'étaient totalement inconnus (non binaires, cisgenre, agenre, exogenre...). J'ai mis plusieurs mois à me familiariser avec ce nouveau langage.
La recherche d'informations et de soutien.
En plongeant dans l'inconnu, les questions affluent : Mon enfant ne serait pas né dans le bon corps ?
Il aurait besoin de changer de prénom, de genre, puis d'être hormoné à vie, et voir de subir des opérations chirurgicales à vie pour se sentir lui même ?
Et, souvent en attendant un lointain rdv avec un psychiatre, un psychologue, les parents démunis se mettent en recherche d information et de soutien
- auprès d'association lgbtq très présentes et très actives sur les réseaux sociaux
- auprès de groupes de parents confrontés à la même chose (via les réseaux sociaux comme je l'ai moi même fait)
Et là, sans y être préparée, c'est souvent la confrontation avec des parents, souvent des mères qui acceptent, soutiennent, voir encouragent le parcours de transition médiacale réclamé par leur enfant et le présentent comme le seul moyen de le sauver.
Des parents vont très loin dans leur démarche d'accompagnement, l'exposent, la médiatisent parfois.
Ils exposent par exemple sur les réseaux sociaux que leur fils de six ans « n'aime pas son pénis depuis toujours, qu'il le gêne", ou qu ils cherchent à leur fille de 13 ans une prothèse à mettre dans son maillot de bain pour qu'elle ait la bosse comme les autres petits garçons.
Ils recherchent, s'échangent ou se vendent les « binders »pour comprimer la poitrine de leurs filles, ou le boléro de compression pour « après la mammec » dont ils parlent comme d'une libération pour leur enfant.
Souvent, dans ces groupes, les parents parlent de leur « MTF » ou « FTM »(« male to female »ou « female to male ») et non pas de leur enfant, ce qui est assez déroutant.
On conseille sur ces groupes de soutenir immédiatement son enfant, de l'accompagner dans sa transition, de ne surtout pas remettre en cause son ressenti.
J'ai eu quelques réponses à mes questions assez représentatives de ce qu'on peut lire ou entendre dès que l'on y questionne le trouble de son enfant.
Des parents à qui je demandais si ça ne les questionnait pas que tout le mal être et la souffrance de leur enfant hpi, harcelé et ayant fait une grave tentative de suicide trouvent réponse dans le fait qu'il ne serait pas né dans le bon corps m'ont répondu :
– «Àquoiçasertdesequestionnersinonàsefairedumal?Ilyades choses qu'on n'explique pas ».
– « Il vaut mieux avoir une fille vivante qu'un garçon mort ».
– « Nous, tout ce qu'on veut, c'est que notre enfant soit réellement lui même » Un membre d'une association très active dans le soutien des jeunes trans fuyant leur famille décrite comme transphobe m'a aussi répondu : – « Si vous ne l'accompagnez pas, au mieux, votre enfant ne reviendra jamais de sa fugue et vous ne le reverrez pas. Au pire, il se suicidera... ». Et de fil en aiguille, on peut découvrir tout un réseau d'entraide, bien loin d'un suivi psy classique. Suivi psy dont certains disent d'ailleurs clairement que leur enfant n'étant pas malade, mais juste trans, il n'a pas besoin. Les liste de médecins transfriendly de BDD trans ou de l'association Fransgenre avec une carte interactive de ces professionnels, sont une mine d'or. On y trouve en vrac :
– les références des psychiatres qui donneront l'attestation en une ou deux séances pour pouvoir consulter l'endocrinologue qui délivrera les hormones à votre enfant plus rapidement qu'en parcours public.
– Les références des chirurgiens qui pratiquent les mammectomies avant 18
ans (autorisées en France dès 16ans) avec les tarifs et autres dépassements d'honoraires.
– Les références des services transgender où il y aurait encore possibilité d'avoir un rdv rapide pour la prescription des bloqueurs de puberté.
On découvre sur les réseaux sociaux de nombreuses vidéo de jeunes transgenres épanouis, expliquant leur parcours, montrant leur torse opéré, guettant l'apparition des premiers poils de barbe, enregistrant l'évolution de leur voix au fils des injections de testostérone, voir même des tutoriels sur comment faire soi même ses injections de testostérone.
Ce qui m'a beaucoup questionnée, c'est l'immédiateté de l'acceptation de la situation que revendiquent nos enfants, soutenus par leurs nouveaux amis, leurs nouveaux soutiens, leur nouvelle famille, souvent virtuels.
Et la rapidité de la médicalisation. Il suffit de un ou deux rdv pour que l on parle déjà de la mise sous bloqueurs de puberté d'un enfant de huit ans (vous avez peut être vu le reportage « petite fille » où l'on voit un enfant de huit ans, et ses parents en consultation pour la deuxième fois et à qui on parle déjà bloqueurs de puberté et préservation des gamètes).
Les parents ne sont pas légitimes pour questionner sur la soudaineté de l'apparition des troubles. Sils le font, la réponse est souvent la même :
« votre enfant a lui, déjà fait tout le chemin nécessaire avant le coming out, il s'est déjà posé toutes les questions, il sait mieux que vous qui il est ».
J'ai très vite constaté que le doute n'était pas admissible et me reléguait systématiquement dans la position du parent transphobe.
Plus j'ai cherché à comprendre, plus j'ai questionné, plus j'ai réalisé
-que l'ampleur du phénomène était énorme, sur un plan non seulement médical, mais aussi sociétal et politique
-que le débat sur le sujet pouvait vite être très animé, voir même devenir virulent pour peu que l on essaye de penser une autre vision que celle quasi imposée concernant la prise en charge immédiatement transaffirmative de nos enfants.
Conclusion :
Tout d'abord ,les pratiques internationales sont en train de changer. Des études scientifiques et la multiplication des témoignages de détransitioneurs ont amené des pays comme la Suède, la Finlande, la Norvège et le Royaume uni à interdire récemment les bloqueurs de puberté et les hormones chez les mineurs du fait d'un rapport bénéfice-risque jugé « incertain ».
Aux États-Unis, 23 États ont désormais restreint ou interdit l'accès à ces thérapeutiques aux mineurs.
Ces pays, particulièrement la Suède, qui étaient très en avance dans les prises en charge médicalisées des enfants et jeunes transgenres, privilégient désormais les prises en charge psychologiques longues en premier recours avant de prescrire des ttt dont les effets secondaires pouvaient être irréversibles (stérilité, perte de densité osseuse, risques cardio vasculaires) et les chirurgies mutilantes comme les mammectomies.
En Angleterre, le cas de Keira Bell, jeune fille de 20 qui a gagné un procès B contre le service de développement de l'identité de genre de l'hôpital Tavistock. affirmant que les cliniciens auraient dû la questionner davantage sur la décision de transition avant de commencer le traitement médical a inauguré une nouvelle ère : celle des procès.
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En France, il y a quelques semaines, La chambre disciplinaire de l'ordre des médecins du Grand est a sanctionné un médecin psychiatre par une interdiction d'exercer pendant 6 mois. pour avoir élaboré un diagnostic trop rapidement et avoir certifié après seulement 2 consultations qu'une jeune fille majeure pourtant fragile psychologiquement, ne présentait aucune pathologie psychiatrique qui contre indiquerait la prescription d'un traitement hormonal dans le cadre d'une transition. FTM.
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En ce qui concerne la souffrance familiale,Après sa, fugue, mon fils n'est jamais revenu à la maison. Heureusement, il a eu son bac avec mention très bien et fait désormais des études en fac de langue dans le Nord.Il a changé de prénom dès qu'il a eu 18 ans et vient d obtenir une ALD. Je ne sais pas s'il a commencé les traitements hormonaux. Nos relations sont cordiales tant que je n'aborde pas le sujet de la Transidentité. Je reste très inquiète et sceptique sur l'adéquation d'un traitement hormonal ou chirurgical en réponse à sa souffrance psychologique.Mon fils s'est coupé de sa famille, frère, tante, oncle, cousin jugée transphobe. Je crains pour lui les répercussions futures d'une telle rupture, sa famille n'ayant jamais été jugée ni maltraitante, ni toxique avant son coming out. Il semblait même la considérer bienveillante, notamment son grand frère avec qui le lien était très fort.Donc, si par peur des effets secondaires, on remet en question le traitement proposé, à savoir la transition rapidement médicalisée, nous sommes taxés de transphobie et nous devenons illégitimes à donner notre avis sur la prise en charge de notre enfant mineur.La famille n'a pas le droit de questionner, d interroger les origines de la souffrance de son enfant, elle n'a que le droit de céder à l'immédiateté, et aux injonction du parcours de transition exigé par l'enfant.La souffrance, l'inquiétude des familles : on en parle peu. Si on le fait, on nous répond que celui qui souffre le plus, qui est victime, c'est quand même le principal intéressé. Pourtant, je pense à la souffrance de cette maman qui areçu le nouvel acte de naissance de son enfant agé de 20 ans.Un inconnu, au sexe et prénom différent de son enfant qui elle, avait subit en l'espace de deux ans mammectomie et hystérectomie.Cette maman me qui me disait avoir eu mal physiquement comme si on lui ouvrait le ventre à vif et qu'en plus, elle devait accepter la négation de son propre vécu de mère.Je pense particulièrement à elle ce matin.
Je remercie Mr Sous qui me permet d'intervenir ici,Céline Masson et Caroline Eliacheff pour leur travail courageux et leur implication auprès des parents.Tous les parents du collectif ypomoni, dont les vécus se ressemblent tellement en termes de souffrance.
La fragilité adolescente face à la confusion des genres.
Claudio Rubiliani
A partir d'une clarification du sigle LGBTQIA+, comment distinguer les transitions qui concernent les adultes de celles qui touchent aujourd'hui les adolescents, voire les pré-adolescents ? Comment replacer ce "phénomène trans" dans un contexte actuel, plus général, de virtualisation du monde ?
Clarification du sigle LGBTQIA+
Sigle hybride. Amalgame de situations très différentes = émulsion instable (cf conflits actuels)
LGB : il s’agit d’orientations ou de préférences sexuelles. Il n’y a pas de problème identitaire ou « d’identité de genre ». On ne peut nier la masculinité de Rock Hudson, Kevin Spacey ou encore Cary Grant, ni la féminité de Greta Garbo, par exemple. L’identité sexuelle sans ambiguïté est même souvent un élément de séduction.
Sur le plan biologique, la thèse d’un gène de l’homosexualité émise par Hamer en 1993 avait été invalidée dès 1999. Invalidation confirmée par la vaste étude de l’équipe d’Andrea Ganna en 2019 : analyse fine du génome de 470 000 volontaires britanniques ayant par ailleurs rempli un questionnaire très précis. Sur 1 millions de groupements de nucléotides des chromosomes, seuls 5 ont une légère et peu significative prévalence chez les personnes se déclarant homosexuelles (pérennes ou transitoires) dont 2 seulement communes aux hommes et aux femmes. La « prédictivité génétique » est inférieure à 1%. Donc pas de base génétique à l’homosexualité (même s’il y a toujours débat sur un éventuel effet « code histone » ou empreinte parentale)
QA+ : états d’âme. On passe.
I : Intersexués, regroupant les cas d’hermaphrodisme, de cryptohermaphrodismes et d’anomalies génétiques. Il y a là un problème biologique de base, génétique ou développemental, que l’on peut qualifier d’anomalie invalidante (stérilité, en général) mais pas forcément de problème identitaire, selon les cas (pas de problème chez les filles X0 et les garçons XXY ; problème psychologique éventuel pour les inversions chromosomiques : filles XY et garçons XX….si cette inversion est révélée) ou problèmes se révélant à la puberté (cf les 3 cas évoqués ci-dessous). Critique des 5 sexes de Anne Fausto Sterling (voir mon article L’insoutenable pesanteur du réel).
Nous évoquerons 3 cas de crypthermaphrodites montrant l’évolution des mœurs et de la prise en compte de ces situations en 150 ans.
Premier cas Herculine-Alexina Barbin née en 1838 à St Jean d’Angely. Identifiée et élevée comme une fille au vu de sa morphologie et de ses organes génitaux externes, après des troubles physiques à l’adolescence le médecin diagnostiqua un crypthermaphrodisme avec testicules internes. Par voie de justice on lui assigna (terme ici adapté) le sexe masculin, ce qui la conduisit au suicide en 1868, à 29 ans !
Second cas : Erika Schinegger. Née en 1948, cette skieuse ut championne du monde de descente en 1966. Un banal contrôle antidopage en 1967 bouleversa sa carrière et sa vie : il se révéla qu’elle était génétiquement un homme XY mais cryptohermaphrodite. Elle fut déchue de son titre et interdite de compétition féminine. Après une grave dépression, elle refit « surface », décida d’adopter le sexe masculin (s’appelant désormais Erik), se fit opérer et épousa une femme avec laquelle il a eu 2 enfants. Enfin, il est devenu entraineur de ski.
Troisième cas, actuel, celui de l’athlète sud-africaine Caster Semenya, toujours discuté. Double championne olympique, triple championne du monde de 800 m, après des tests effectués lorsqu’elle était championne d’athlétisme junior, en 2009, ont révélé que Caster était un crypthermaphrodite à génotype XY. Elle était donc génétiquement et partiellement phénotypiquement un homme mais avait une identité féminine. Contrairement à Erika Schinegger, son intersexuation ne l’a pas empêchée de concourir et de conserver les titres acquis. Toutefois, en 2018, la FIA (Fédération Internationale d’Athlétisme) se dotait d’un règlement concernant l’hyperandrogénie chez les athlètes : elles avaient l’obligation de prendre un traitement abaissant leur taux de testostérone sous un seuil dit de niveau « féminin ». Caster Semenya déposa un recours, rejeté par le TAS (Tribunal International du Sport) en mai 2019, concluant que le taux d’hormones masculines au cours du développement avait conféré à ces athlètes intersexués un avantage sur le plan morphologique, athlétique, non négligeable par rapport aux athlètes femmes. Etonnamment, en juillet 2023, après un nouveau recours, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, (avec l’appui de l fédération sud-africaine ?), donnait raison à Casper Semenya, décision de nouveau soumise à arbitrage mais qui, de toute façon, n’annulait pas la réglementation de la fédération d’athlétisme.
Il est à noter que si elle avait été coureur cycliste, Casper aurait été disqualifiée pour
dopage…cocasse quand on sait que deux de ses titres olympiques et mondiaux lui ont
été décernés après disqualification de la gagnante de l’épreuve, positive au contrôle
anti-dopage !
Ce débat sur la participation de sportifs intersexués aux compétitions a aussi ouvert le
débat de la participation des athlètes transsexuels : l’identité acquise doit-elle primer
sur l’identité biologique ? Dès juillet 2023 l’UCI (Union Cycliste Internationale) a
statué en interdisant de compétition internationale féminine les athlètes ayant effectué
leur transition après la puberté. La World Rugby adopte une réglementation analogue.
Chaque fédération sportive édite des règles différentes, allant de l’inclusion à la
limitation par mesure du taux de testostérone ou à l’exclusion, en passant par la
création d’une catégorie sportive spécifique trans pour la Fédération Internationale de
Natation.
T : Trans : Ici, il s’agit d’un choix de changement d’identité. Il n’y a pas de cause biologique primitive identifiée. Nous développerons ce sujet.
On voit bien que les différentes lettres du sigle renvoient à des situations diverses et non comparables. Le ferment de la discorde est dans la pâte !
Transitions adultes, transitions adolescentes et pré-adolescentes
Données adultes : 5 exemples.
Jusqu’en 2000, la transsexualité concernait pour 75% des hommes adultes ayant choisi de devenir femmes (à divers degrés de transformations) et 25% des femmes ayant choisi de devenir hommes (également à divers degrés de transformations).
5 exemples célèbres :
James Morris (1926-2020). Journaliste, écrivain (on lui doit un des meilleurs
guides de Venise) et sportif accompli, il accompagna l’expédition Hillary lors de la
conquête de l’Everest. Marié, 5 enfants, il commence sa transition en 1964 et devient Jan
Morris. Dans sa biographie, écrite à 52 ans, il déclara avoir ressenti dès l’âge de 3 ou 4 ans
être né dans le mauvais corps. Réécriture de l’histoire personnelle, comme c’est très
souvent le cas ?
le premier cas très médiatisé de HTF est certainement celui de Renée
Richards, née Richard Raskind en 1934 à New York. Après une carrière masculine d’ophtalmologue réputé, en 1976 Richard Raskind devient Renée Richards et entame une carrière de joueuse professionnelle de tennis, avec un certain succès. Sa transition ne fut pas sans difficultés, avec des phases de dépression et des tendances suicidaires dès la fin de l’adolescence. Son histoire a fait l’objet en 1986 d’un téléfilm réalisé par Anthony Page et diffusé dans le monde entier : Second Serve (Le Choix, titre français). Le rôle de Renée Richards était tenu par l’actrice anglaise Vanessa Redgrave. (choix qui serait sans doute contesté aujourd’hui par les transactivistes !). A l’issue de sa carrière de tenniswoman, Renée Richards a repris son activité d’ophtalmologue, femme cette fois.
- Autre cas, celui de Robert Millar, coureur cycliste britannique né en 1958 et sacré
meilleur grimpeur du Tour de France en 1984. Après avoir arrêté sa carrière en 1995, il disparait des radars, mais publie régulièrement des chroniques sportives sous son nom. Il débute un processus de transition en 2002 et ce n’est qu’en 2017 qu’il réapparaît officiellement comme journaliste sportif sur le Tour de France sous sa nouvelle identité : Philippa York. Il déclara alors avoir été un homme malheureux, sans en connaître vraiment la raison, et être désormais une femme heureuse.
- Cas tout aussi mystérieux quant à ses motivations et déclencheurs, celui de Bruce
Jenner, né en 1949. Cet Américain fut champion olympique de décathlon en 1976, discipline athlétique par excellence. Ce colosse s’est marié trois fois et a eu six enfants (deux avec chaque épouse). Après son dernier divorce en 2013, il entame à 64 ans une série d’opérations de chirurgie esthétique le menant à une réassignation sexuelle : il devient Caitlyn Jenner en 2015 et en 2017 subit une dernière opération de vaginoplastie.
Enfin, pour maintenir l’équilibre FTH/HTF, nous évoquerons le cas de Chris Mosier.
Ce triathlète américain né en 1980 a commencé la compétition en tant que femme. Il a entamé sa transition en 2010 par une cure de stéroïdes lui empêchant désormais de concourir dans la catégorie féminine mais a été autorisé en 2016 à participer aux compétitions dans la catégorie masculine. Chris Mosier a déclaré se sentir être un garçon dès sa petite enfance. A noter qu’il s’est toujours considéré comme hétérosexuel et a d’ailleurs épousé une femme, faisant ainsi clairement la distinction entre orientation et identité sexuelle. Sur ce dernier point, nous n’avons pas précisément connaissance des positions des quatre cas précédemment évoqués.
Les motivations restent généralement obscures et en particulier le « point de bascule », le déclencheur qui va induire ce choix, tardif, de changer drastiquement d’identité sexuelle. Les traumatismes enfouis, s’ils existent, le demeurent. On constate une médiatisation de ces cas chez les sportifs. Hasard ? Un point commun toutefois. Toutes ces personnes, à travers leurs exploits sportifs, ont eu l’habitude de repousser le seuil de la douleur.
Le phénomène aujourd’hui chez les jeunes.
Inversion des proportions. On a 75% de filles pour 25% de garçons déclarant vouloir changer de sexe.
Donnée de base à prendre en compte pour expliquer l’explosion actuelle des demandes (nous éviterons le terme « d’épidémie » bien qu’il y ait à l’évidence un phénomène de contamination : la fragilité adolescente.
L’adolescence est une période cruciale du développement. C’est une phase de séisme physiologique et de fragilité psychologique qui s’étale sur une dizaine d’années. Le primum movens en est une étape majeure de maturation cérébrale : la priorité endocrine de l’axe hypothalamo-hypophysaire change. Aux hormones de croissance succède une prédominance des hormones sexuelles. Les neuropeptides hypothalamiques (GnRH) et hypophysaires (LH et FSH) entament leur mode de sécrétion élevée qui perdurera à l’état adulte. À noter que ce sont les mêmes neurohormones chez le garçon et chez la fille. La différence tient au rythme de production. Alors que chez l’homme ces hormones sont sécrétées de manière continue comme chez tous les mammifères mâles, chez la femme elles sont libérées selon un cycle mensuel complexe, propre à l’espèce humaine. Ces sécrétions cérébrales vont induire des réactions en chaîne : production accrue des hormones stéroïdes (testostérone chez l’homme, œstrogènes et progestérone chez la femme) qui, elles-mêmes vont générer la production des spermatozoïdes ou la maturation cyclique des ovocytes (= l’ovulation); ces derniers étaient présents dans les ovaires dès la naissance mais à l’état latent. Ces différentes productions hormonales vont progressivement induire de profondes transformations morphologiques aboutissant à la construction des « corps adultes » aux caractéristiques masculines ou féminines.
Mais parallèlement, à l’adolescence le cerveau entame aussi une autre phase de maturation structurelle asynchrone. Par rapport à la maturation sous-corticale, plus précoce, celle du cortex préfrontal ne s’achèvera que vers l’âge de 25 ans. Or cette région du cerveau est notamment impliquée dans la gestion des émotions, des automatismes, de certains apprentissages. Elle est fondamentale pour le développement de l’esprit critique. On peut donc considérer que l’adolescence est une phase critique de maturation où « le corps prend le pas sur l’esprit », où les émotions ne peuvent pas encore être gérées de manière rationnelle. Les transformations corporelles et psychiques, la gestion de pulsions nouvelles, créent un contexte de fragilité globale, d’hypersensibilité. Et surtout de doute. Par ailleurs, cet état latent de doute et d’incertitude augmente la nécessité pour l’adolescent d’une reconnaissance, d’un appui dans le regard d’un pair. D’où un besoin d’appartenance à caractère « tribal ». Comme le dit le réalisateur Tim Burton « l’émotion de l’adolescence est la peur du rejet ». Il semble que cet effet de groupe soit encore plus vital chez les jeunes filles que chez les garçons et, par ailleurs, la puberté est beaucoup plus douloureuse voire traumatisantes chez elles, compte tenu de la survenue des règles, souvent douloureuses. Ce qui expliquerait la plus grande proportion d’adolescentes se déclarant « mal dans leur corps ».
C’est ce contexte global de fragilité et de grégarisme qui est exploité par des acteurs aux intérêts divers mais convergents avec un impact délétère certain. Et en particulier l’effet nocif des « influenceurs » sans scrupules, vecteurs de mensonges sur les réseaux dits sociaux. Vous en trouverez des exemples sidérants dans l’article « Le genre, les adolescents et les réseaux dits sociaux » ainsi que dans les ouvrages de Catherine Eliacheff et Céline Masson « La fabrique de l’enfant transgenre » et d’Abigaël Schrier « Dommages irréversibles ».
La mise en danger des enfants et des adolescents : Bloqueurs de puberté – Hormonothérapie.
Les adolescents et préadolescents convaincus d’avoir le « mauvais sexe » vont rapidement entrer dans une spirale mortifère. Une des premières étapes consiste à bloquer la puberté par voie chimique, c'est-à-dire bloquer les neurohormones cérébrales inductrices du développement et du fonctionnement de l’appareil génital. Or toute intervention désynchronisante va se traduire par des perturbations du fonctionnement de l’organisme, dont certaines peuvent être irréversibles, et par des conséquences sur diverses fonctions, le système reproducteur n’étant pas un système « fermé ». En fait, l’utilisation de l’hormonothérapie et en particulier des bloqueurs de puberté dans le cadre des transitions sexuelles relève du « détournement thérapeutique opportuniste ».
En effet, les substances et protocoles élaborés en hormonothérapie l’ont été pour traiter –à quelques exceptions près (la puberté pathologique précoce : le traitement est alors strictement limité à 2 ans et doit être arrêté à l’âge de 12 ans) - des adultes, notamment pour les cancers hormono-dépendants (prostate, sein, ovaire…) ou divers troubles comme l’endométriose ou l’infertilité.
Les principales substances utilisées sont les agonistes de la GnRH, dont l’utilisation est plus que délicate et encore soumise à interrogations par les chercheurs en endocrinologie (pour plus ample information, nous vous renvoyons au Papier °1 sur le site de l’observatoire de la petite sirène).
Ce qui est certain, c’est que les neurohormones de la reproduction (GnRH, LH, FSH) sont en étroite interaction avec d’autres neurohormones et en particulier la dopamine (du circuit de récompense), d’où, en effet secondaire, un fort risque de dépression. Par ailleurs ces neurohormones fonctionnent aussi avec d’autres neuromédiateurs indispensables au développement cérébral, non achevé, rappelons-le, avant l’âge de 25 ans. Des déficits cognitifs sont donc à craindre.
Après le blocage de la puberté, une hormonothérapie s’impose. Dans la mesure où aucune hormone naturelle du sexe recherché ne pourra être sécrétée, il est patent que l’hormonothérapie substitutive devra être poursuivie à demeure, avec toutes les conséquences sanitaires que cela implique. Par ailleurs, les organes cibles (testicules, ovaires, tractus génitaux) ne possèdent pas ou peu les récepteurs hormonaux du sexe opposé. D’où des dosages massifs, avec des risques élevés de cancer, notamment. En particulier ces traitements vont avoir un impact évident sur le fonctionnement hépatique, le foie étant l’organe de base du métabolisme du cholestérol, « matière première » de tous les stéroïdes.
Aux prescriptions médicales aventureuses et aux « conseils » mal avisés d’influenceurs ou des lobbys trans s’ajoute la facilité d’accès à ces traitements par le biais de sites internet, sans aucun contrôle médical. Les conséquences de ces administrations inconsidérées sur les enfants et les adolescents sont malheureusement évidentes !
Et viennent ensuite les mutilations irréversibles !
Conclusion : les médecins qui s’aventurent dans ces protocoles sont plus les héritiers de Mengele que de Pasteur (qui, heureusement, n’était pas médecin mais chimiste). Primum non nocere.
Le phénomène trans et la virtualisation du monde
Ainsi, Judith Butler s’interroge : « Les faits supposément naturels du sexe biologique ne sont-ils pas discursivement produits au travers de discours scientifiques variés qui servent d’autres intérêts, sociaux et politiques ?» Et elle conclut que « si le caractère immuable du sexe est remis en question, peut-être que ce que l’on appelle “le sexe” est une construction culturelle au même titre que le genre ; de fait, peut-être que le sexe est toujours déjà du genre, de sorte qu’il n’y a pas vraiment de distinction entre les deux ».
Si l’impact environnemental, au sens large, est indéniable dans l’homosexualité et le phénomène trans, pourquoi rejeter les bases biologiques fondamentales de toute sexualité ? Par ce rejet de la science, Judith Butler, au nom d’une idéologie obscurantiste, présentée comme un dogme incontestable sous peine « d’excommunication », redonne un second souffle (nauséabond) au révisionnisme lyssenkiste (et, plus largement, au révisionnisme).
Cette théorie de l’identité de genre, rejetée par les scientifiques dignes de ce nom, gangrène hélas les départements de sciences (si peu ?) humaines des universités et des grandes (si peu, aussi ?) écoles, relayée par des médias opportunistes.
Inscrite dans le courant intersectionniste, cette théorie correspond hélas à un fort courant sociétal que nous nommerons « virtualisation du monde » où l’on peut croire que tout est possible. Il se caractérise par plusieurs paramètres.
Tout d’abord un écrasement de l’espace-temps. Comme l’a souligné Solange Ruffin-Helluy dans son témoignage courageux, émouvant et essentiel, ce qui caractérise la décision de changer « d’identité de genre » c’est l’immédiateté. Le temps et l’espace ne sont plus des paramètres contraignants, apriori.
Autre paramètre essentiel : la dissolution de la frontière entre le réel et l’imaginaire. Le fantasme prend le pas sur la réalité. Avec ce paradoxe : il y a défiance, ignorance en la science et croyance en une technomythologie où la science, la technique permettraient tout. En ce sens, le phénomène trans représente une entrée dans le transhumanisme.
Accessoirement, les réseaux sociaux aggravent cette technomythologie en induisant une restriction de la pensée par le jeu des algorithmes et une amplification des phénomènes de repli sur l’individu et son image « nombrilisée ». L’écran devient miroir de Narcisse.
Dans ce contexte, les thèses intersectionnistes, à l’image des élucubrations de Judith Butler, sous prétexte d’égalitarisme, veulent instaurer en fait une nouvelle hiérarchie, avec un culte du « victimaire ». Les groupements LGBTQIA+ donnent aujourd’hui des exemples stupéfiants de cette hiérarchisation dans la victimisation où le lobby trans s’arroge le degré supérieur. Les conflits qui les émaillent comme l’exclusion des Sénoritas (homosexuelles ) en Ile de France, les dissensions lyonnaises où la sidérante critique homophobe émise par… des militants LGBT à l’encontre de Gabriel Attal en sont quelques uns. La bouillie idéologique intersectionnelle en venant même à ce que des associations LGBTQIA+ manifestent leur soutien aux terroristes du Hamas, alors que la criminalisation de l’homosexualité est très rude à Gaza ! Cherchez l’erreur ! Une preuve que l’idéologie de la théorie de l’identité de genre n’a aucun fondement rationnel.
Vous avez dit « non-binaire » ?
Un petit garçon et une petite fille, le frère et la soeur, voyagent, face à face dans un compartiment de train lorsque ce dernier arrive en gare, laissant apparaître les différents bâtiments sur le quai.
— Tiens, dit le frère, on est à Dames !
— Imbécile, rétorque la soeur, tu ne vois pas qu’on est à Hommes.
Vous trouverez ce petit apologue dans l’article de Jacques Lacan: L’instance de la lettre dans l’inconscient publié dans les Écrits. La référence à cette « ségrégation urinaire » inscrirait déjà l’usage codé d’un couple d’opposition masculin/féminin et placerait déjà la différence sexuelle (ici dans sa fonction urétrale et anale) sous le signe d’un différend, d’une dissension, d’une querelle des sexes. Jacques Lacan commente la chose, ainsi :
aucun ne saurait céder sur la précellence de l’autre sans attenter à la gloire de l’autre.
La chamaillerie binaire a déjà commencé sous la forme d’une anodine injure: imbécile qui pourra se transformer plus tard en une apostrophe plus incisive : « quel connard ce mec, tu n’es qu’une merde » surtout si, quelques années plus tard, ne maîtrisant pas à la perfection le jet de son flux urinaire, il répandra ce liquide sur la cuvette des W.C.
Dans ce cas-là, ladite femme pourrait plutôt concéder à la ségrégation urinaire et disposer de lieux d’aisance réservé aux « dames ». Pourtant, certains courants féministes ou queers en ont fait un cheval de bataille, considérant que ces toilettes diversifiées ne représentait en fait, dans la vie publique et sociale, que la marque d’une domination patriarcale. Peut-on considérer qu'offrir un large espace aménagé aux handicapés pour laisser passer leur fauteuil roulant relève d'une intention discriminatoire ?
La « différence » est interprétée comme hiérarchique, vire à l’hégémonie. Voici la façon dont Paul B. Préciado, philosophe « trans » d’origine espagnole (ayant vécu sous le régime franquiste qui avait une conception de la femme-mère bien conservatrice) parle de l’espace masculin des cuvettes ou urinoirs. Elle était l’invitée de l’École de la Cause Freudienne à laquelle elle s’adressait:
Lorsque j’ai entamé ce processus de transition, il m’ a fallu un certain temps pour comprendre les codes de la masculinité dominante. Et, croyez- le ou non, rien n’a été aussi difficile que de s’habituer à la puanteur et la saleté des toilettes des hommes. J’étais tourmenté par l’odeur, par les jets d’urine répartis sur et tout autour des lieux d’aisances et, malgré mes bonnes intentions, il m’a fallu des semaines avant de parvenir à surmonter cette répulsion. Jusqu’à ce que je réalise que cette saleté et cette puanteur correspondaient à une forme de relation strictement homo-sociale : les hommes avaient créé un cercle fétide pour chasser les femmes. À l’intérieur de ce cercle, en secret, ils étaient libre de se regarder, libres de se toucher, libres de se vautrer dans leurs propres fluides, en de hors de toute représentation hétérosexuelle.
Ce développement ne fait que surenchérir sur un régime d’exclusion homme/femme, en interprétant (comme lorsqu’un animal marque son territoire) une intention manoeuvrière masculine destinée à entretenir une forme de sociabilité homosexuelle ! Étonnant paradoxe : alors que la radicalité féministe incrimine principalement l’hétérosexualité normative et patriarcale, ici, c’est une homosexualité excluant les femmes qui leur est imputée. De sorte que l’on est en droit de se demander si ce n’est pas une nouvelle aporie qui nous est présentée : cette transgression militante de l’ordre binaire dominant de la différence sexuelle ne reconduit-elle pas une binarité dans la mesure où le « trans » n’est plus transition mais passage dans l’autre genre ? Ou alors, faudrait-il supposer qu’un homme trans changerait ce que représente l’homme? Et du reste, dans son intervention, Paul B, Preciado n’élude pas cette question, avouant que sa transition ne serait pas forcément une libération mais une possible porte de sortie, n’excluant pas le saccage de cette position qui pourrait n’être qu’une façon de s’être remise dans une nouvelle cage.
Nous avions laissé le petit frère et la petite sœur s’invectivant devant les toilettes de la gare… Ils ont maintenant grandi et abordent leur crise d’adolescence, période de transformation (comme l’étymologie latine l’indique) de changement pubertaire particulière sensible. On les retrouve, scrutant , tour à tour, les formes de leur corps devant la glace de la salle de bain des parents qui trouvent, quand même, qu’ils squattent cet endroit et y passent trop de temps pour tester leur coiffure, rectifier leur image, faire leurs derniers habillages ou essayages en fonction de la toute dernière mode. « Quel genre vais- je bien pouvoir me donner » ? Peut- être ont- ils faits, bébés, l’expérience du stade miroir décrit également par Jacques Lacan dans ses Écrits. Cette référence peut nous permettre de nous repérer (suivant les registres imaginaire, symbolique, et réel formatant cette confrontation à l’image spéculaire) dans ce souhait de transition.
Dans un premier temps, l’enfant se regarde et anticipe sur son image globale malgré son immaturité biologique encore morcelante. Cette anticipation peut être jubilatoire en tant que « moi idéal » de l’image spéculaire. Mais, il y manque un second temps pour entériner définitivement cette « assomption » comme le dit Jacques Lacan, cette élévation vers la reconnaissance de la valeur ( idéal du moi) de cette image. Il faut spéculer sur un retournement vers l’Autre qui pourra ou pas donner son assentiment à l’image que lui présente l’enfant. Cette épreuve du miroir peut convoquer des tropismes de déceptions réciproques s’il n’y a pas de correspondances entre les idéaux souhaités et leurs défaillances. La langue allemande précise les divers sens de cette représentation : vorstellung désigne la copie isomorphe de l’image tandis que vertreten indexe le fait de représenter quelque chose pour quelqu’un d’autre ( un ambassadeur par exemple). Il peut arriver que ce qu’enfant voit dans la glace, c’est la glaciation mortifère d’un enfant mort précédemment auquel il devrait suppléer ou le vide d’une consistance. Triebrepraensentanz renvoie aux orifices pulsionnels du corps qui, en tant que trous, sont défalqués de l’image spéculaire tout comme la zone phallique , nommé par Lacan ( - phi ) soustraire à cette représentation et renvoyant au geste d’élision d’une petite fille filmée devant un miroir. L’adolescent (e) aura donc à symboliser ce réel anatomique en fonction de toutes ces représentations soutenues par un Autre qui dépasse, désormais largement, l’exclusive scène familiale : réseaux sociaux, communautés de tout genre, influenceurs, retouches d’image, proliférations de nudes trompeurs susceptibles de donner lieu à chantages ou harcèlements variés. De sorte que le retournement dans la confrontation peut changer de sens : l’image spéculaire peut chercher son assise dans l’anticipation jubilatoire d’une image virtuelle espérée et dont le réel anatomique pourrait être transformée par une opération réelle sur le corps rendue possible par les mythologies techniques chirurgicales. Cette transition pourra donc présenter divers paliers :
- dans la dimension imaginaire, changement d’habillage de l’image, vêtements, coiffures, bijoux, vernis à ongle… Cette transformation reste dans le cadre du semblant et de la mascarade, type carnaval ou Drag Queens.
- sur le registre symbolique, le dead day marque une substitution de prénom effaçant le prénom transmis par la parenté.
- dans la catégorie du réel, le traitement hormonal ou l’opération chirurgicale fait passer la mutation dans le corps et ses organes (prothèses mammaires, pompe à érection…) et pose la question des modes d’érogénéité dans le rapport au corps de l’autre. De quelle binarité ou spécularité s’agirait-il encore?
Cette récusation de la filiation (autant sur le plan réel de l’assignation essentialiste, naturaliste de l’anatomie que concernant une dette symbolique à sa parenté) paraît relever d’un auto-engendrement qui ferait certitude sans l’once d’une non- congruence.
Le réel anatomique suppose, pour être libididinalisé, d’être étayé par un discours qui estampille le jeu des organes : le pénis du garçon, pour passer au phallus, dépend de la manière dont l’Autre le parle, dans le couplage du nom du père ou de la mère, de même les seins, la zone vaginale ou les règles pour une fille. Cette subjectivation participe d’une construction de l’identité et peut, justement donner lieu à incongruence. Et du reste, selon le D.S.M 5 (qui doit permettre, aux États-Unis, d’ authentifier la dysphonie de genre pour pouvoir rembourser le coût d’une transition) , il est admis implicitement que ce diagnostic relève du discours du postulant, l’appréciation subjective de son vécu corporel et de son insertion sociale, et qu’ill est donc vraiment difficile d’établir ce que recoupe ces notions d’inéquation ou de non- conformité.
- est- ce le sentiment d’être l’autre genre?
- est- ce le désir de devenir l’autre genre? (ce qui laisse la marge du fantasme).
- peut-on démontrer « l’existence d’un désarroi cliniquement significatif ou une altération du fonctionnement social ou professionnel » ?
- s’agit- il d’une demande de confort ou d’opportunité sociale ( par exemple, passer à l’autre genre pour changer de catégories sportives en vue d’exploits plus faciles, ou entreprendre une trans-identité afin d’échapper à la justice) ? La falsification d’un témoignage trompeur n’est pas exclue.
Cette crispation sur la bi-partition sexuée (appartenance à un genre, attribution d’organes sexués) sur une binarité qui devrait être subvertie, masque l’enjeu de ce qui se passe entre êtres sexués quelle que soit leur orientation (hétéros, gays,, lesbiennes, queers, trans…). Il s’agira ici d’opérer un déplacement psychanalytique vers un non-binaire qui relève du régime et du type de rapport qui fait la relation entre les genres et les sexes, la partition que chacun (e) joue dans cette rencontre.
La notion de « différence » a été battue en brèche au regard d’un ordre symbolique conçu exclusivement comme relevant d’une hétéronorme hégémonique, à coloration œdipienne, reléguant les autres formes d’alliance (gays, lesbiennes, queers…) au rang de déviations voire de perversions. Pourtant, on peut considérer que le mythe d’Œdipe à été rabattu par Freud sur un complexe familial, alors que ce héros malheureux ne savait pas, dans la version de la tragédie antique de Sophocle qui était son père et sa mère et qu’il s’écrie , aveuglé sur sa filiation : « plutôt ne pas être né ». De même, l’ordre symbolique lacanien concerne surtout l’insistance de la pulsion de mort à être reconnue, à travers les séries répétitives du sujet. Mais il est vrai que les énoncés sur la castration féminine, l’envie de pénis, sur une libido posée comme masculine en raison de son côté actif ont pu hérissé le poil des féministes et renforcé le paradigme actif/passif, domination/soumission . Mais il est notable, également, que chez Lacan, le phallus s’est érigé en Grand Phi, procréateur du sens avant de retrouver l’algorithme et le rythme d’un (- phi ) , d’un organe pouvant être caduque, détumescent ou flappi (soumis aussi à castration) réservant toute prétention à une signification transparente.
Un, deux, trois…
Dès lors, si nous nommions cette différence, altérité, disparité, hétérogénéité ( quelles que soient les orientations sexuelles), nous pourrions faire du non-binaire le style d’une relation à l’autre, un rapport d’un troisième genre comme l’écrit Maurice Blanchot, fondé sur la désappropriation, l’énigme, l’étrangeté. Un écrivain comme Roland Barthes dans son Désir de neutre, nous invite à neutraliser le jeu des couples d’opposition des paradigmes: actif/passif, domination/soumission, inclusion/exclusion, victimaire/bourreau. Les déjouer, suspendre, esquiver cette complaisance à un régime binaire qui vous donne l’illusion d’exister, à l’impérative condition de débiner l’autre position. Un neutre nullement fade ou insipide mais effervescent, affirmant la vitalité de sa mise en jeu.
L’expérience psychanalytique parcourt différentes formes d’assujettissement au « deux « à travers le discours ou le désir de l’Autre : capture des identifications (rivalité ou culpabilité) ou des récriminations adressées aux figures parentales (images du père, de la mère, du frère de la soeur), couplage du sujet entre scène familiale (le deux et le trois d’un faire cas conjugué entre pères, mères, enfants), engagements professionnels ou aléas sexuels. Ces séries se déclinent selon l’ordre symbolique d’un trois où le sujet peut réaliser l’insistance de ses répétitions (ce qui refait du deux) ou transferts dans ces multiples entrecroisements. On peut attendre d’une fin d’analyse un dégagement de la façon dont le sujet a été gagé dans son histoire et qu’il a pu répéter ou faire payer à l’occasion de ses rencontres. Un trait de coupure où peut émerger la singularité d’une affirmation comme un sujet séparé de toute complétude fusionnelle avec les assujettissements où il a pu s’aliéner dans ces binarités. Ce serait le trois d’un réel qui marque l’incomplétude d’un deux, la non-garantie d’une trans-parence ou congruence totale et ouvre à l’incomplétude et au risque du désir.
Accompagner
Si la psychanalyse relève bien d’une position excentrée, profane et hétérotopique dans la cité, il pourrait s’agir d’accompagner ces partitions qui se jouent autour de cette question trans:
- recevoir, enfant ou adolescent qui se questionnent autour de cette possible transition de genre, en s’écartant résolument d’un pathologisation de cette écoute ou d’une quelconque décision.
la décision venant de surcroît par rapport au sujet qui peut, en parlant, remanier ses signifiants, ses identifications ou ses modes de jouissance. Quel est l’enjeu de retourner une binarité de genre ou sexuée ? Quel régime de relation à l’autre suppose ce désir?
- entendre les affects parentaux convoqués par la brusquerie, la brutalité, la précipitation de cette annonce. Qu’est-ce qui se joue dans cette binarité enfant/famille et dans la recherche d’une autre famille? Quels types de rapports sont institués dans le régime parental ?
- apprécier si ce souhait de « transitionner » de refaire un autre binaire, relève d’un fantasme, d’une récusation de toute dette à une filiation ou d’une nécessité absolue qui pourrait pacifier un risque de décompensation .
- accompagner ce que représente une démarche inverse de « dé-transition » (binarité à l’envers) dans les remaniements subjectifs que cela entraîne.
Jean Louis Sous
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