"Elle m'a demandé un rapport sexuel. J'ai refusé parce que je savais que je ne pourrai pas faire l'acte. C'était humiliant. Elle m'a dit que je n'étais pas un homme. Elle m'a mordu".
A quelle vérité se fier dans ce procès de Jonathan D.? Il y a la façon dont chacun peut s'identifier, dans cette scène du crime, selon qu'il est homme ou femme. Le public, les médias se sont emballés par rapport à cette histoire de couple, de belle-famille qui ne peut que susciter de massives projections. En tout cas, pour Jonathan D., l'angle de la vérité se découpe dans la réalité psychique de cette déclaration. Il peut se trouver qu'un rien, un reste diurne ou nocturne que trois fois rien (une phrase mordante, une effraction corporelle vexante, une bousculade) fasse virer tous les rêves et basculer l'assise de la réalité. Un homme peut se sentir avili quant une parole vient remordre, physiquement, sur une blessure narcissique intense, raviver violemment la plaie d'une impuissance sexuelle et régénérer étonnamment un regain de force et de puissance. Il disait d'Alexia qu'elle était son oxygène. Il a occis, celle qu'il disait aimer, par retour d'amour en haine, par hainamoration , à partir du moment où elle ravalait son image narcissique. Ça les a étranglé tous les deux (lui dans cette exaspération autour de cette injonction lancinante, étouffante: "fais-moi un enfant", elle, par crispation autour de de ce désir déçu). Ça les a conduit à une mort sûre (mort psychique du mari, disparition mortifère de sa femme par asphyxie). Une vertigineuse question pourrait, dès lors, se poser: car homme était-il impuissant parce qu'il ne pouvait concevoir une responsabilité de père ou cette défaillance renvoyait-elle à une identification masculine problématique? Que savons-nous de ces rapports avec son père géniteur?
Ce passage à l'acte a fait se craqueler le vernis social, le faire semblant du gendre idéal dans lequel il était inscrit par sa belle- famille. Il appelait sa belle-mère "maman" et son père le considérait comme un fils (possible confusion qui le rendait frère de son épouse!). Difficile ensuite de casser cette conformité idéalisante, d'avouer son crime (falsification du crime en meurtre d'une joggueuse, émotions sur-jouées lors des obsèques d'Alexia et lors de la marche blanche organisée pour le soutenir. Mais sur quoi, vraiment, pleurait-il?
Le "plus-de-jouir" de l'avocat général en a rajouté (escalede de la peine et surenchère de la monstruosité) s'est saisi de la duplicité de ses mensonges pour insinuer qu'il s'agirait de traits pervers chez un menteur et un manipulateur. Les jurés devraient juger un triple crime: meurtre d'Alexia, incinération du cadavre et tromperies. Sauf que c'est lui-même qui a transgressé la loi du code civil puisque le délit de mensonge n'existe pas. A trop vouloir prouver, ça s'est retourné contre lui et la perpétuité n'a pas été retenue. Il est vrai que les avocats de la partie civile voulaient aussi surcharger la peine pour préméditation (intoxication pharmacologique de sa femme) et viol post-mortem.
Faut-il faire du procès d'Alexia D. un exemple, le paradigme universel de ceque l'on nomme maintenant un féminicide (qualification essentialiste qui n'existe pas dans le code pénal) ou considérer qu'il s'agit dun cas singulier concernant le sujet de l'inconscient.
A la différence des avocats qui plaident une cause (incrimination ou défense) au gré de constructions fictives ou fantasmatiques, la position profane de l'analyse reconnait le sujet du droit condamné justement pour sa culpabilité mais interroge le rapport de causalité entre cet homme et cette femme engagés dans la conjugaison de leurs symptômes. Pas d'homme sans femme, pas de devenir- homme sans devenir- femme. Le phallus ne suit pas un régime d'attribution (l'avoir ou pas) dans l'acte sexuel mais, comme nous dit Lacan, l'homme n'est pas sans l'avoir, la femme n'est pas sans l'être. Ce "pas sans" est passé au passage à l'acte. le sujet de l'inconscient nous apprend que quand un sujet ne se soutient plus, est entamé dans l'identification de son être (honte, faute, avilissement, faillite des idéaux) il chute (attaque létale contre lui-même ou contre l'autre) dans un réel incommensurable.
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